Je ne sais pas comment raconter cet abandon au bout de 1 jour et seulement 80 km sur un total prévu de 600 km…
La météo s’annonçait mauvaise avec vent pluie et neige mais Stéven le Hyaric, l’organisateur décida qu’on partirait quand même. Alors G0 ! 6 h, départ de Ourika pour une trace 600 gravel, ou 600 route, ou 350 gravel ou 350 route. Je pars avec Sébastien sur la 600 gravel.
Pendant les premiers 20 km à la lumière de nos frontales et des lampes de vélo on serpente entre les champs les villages, les ruisseaux pour débarquer sur la route qui monte vers Setti Fatma. Le vent qui était déjà très présent est maintenant accompagné de pluie. Puis il forcit à tel point que certains mettent pied à terre ou comme moi, sur une bourrasque font demi-tour involontairement…
A Sidi Fatma pause thé à la menthe. Petit bar dans le noir, sans électricité, un peu glauque mais ça nous change de la pluie et du vent. D’autres y sont déjà et un petit groupe de 7 se forme. Puis on repart. On a fait 30 km depuis le départ. 30 km de route ou de chemin ruraux mais maintenant ça y est piste de montagne à pied. Sentier de randonnée. Raide et étroit. Pierres. Impossible de rouler. Même pour les VTT . On avance vers le sommet. 4 km à faire ainsi… Hors norme !!
Il neige un peu puis beaucoup. Les traces des vélos précédents s’effacent. On arrive quand même au sommet. Devinant la piste jusque là grâce au GPS mais ici sur le plateau du haut c’est le blizzard. Il neige. Il y plus de 40 cm de neige. Parfois même 60 et on s’enfonce. Impossible de bouger facilement. Julien , Sébastien et moi sommes à 30 m de la trace mais impossible de la suivre. On la voit bien pourtant. Il va falloir réfléchir à ce qu’on fait. Continuer vers où ? Faire demi tour mais notre propre trace qui aura disparue ? Puis on voit 2 cyclistes si on peut dire… qui sont dans le même cas que nous… à 5 on est plus rassurés ? Et surtout on voit passer un parapluie qui avance au loin mais qui ne nous entend pas et disparaît dans le blizzard. Signe positif ça ! Car cela veut dire qu’il y a de la vie pas loin. On avance dans 60 cm de neige vers cette ombre disparue puis on commence à entendre des cris, des paroles d’enfants. Et soudainement une bande de jeunes avec des pelles apparaissent et sont tout de suite à côté de nous. On ne comprend pas ce qu’ils disent mais prennent nos vélos. Nous indiquent de les suivre et on les laisse faire. On les suit. Pas le choix de toute façon…
30 minutes plus tard on est dans un village perché dont je ne sais même pas le nom. Nos vélos gelés et couverts de neige sont dans une casemate. Nous allons dans une autre. Notre groupe de 5 passe à 10 puis 14 puis 15. Le dernier arrivé, secouru, a eu une super frayeur. Il était seul sur la montée et ça commençait à tourner dans sa tête…
Bref superbe accueil par ce village sans chauffage, sans grand chose, mais assis tous autour d’un petit feu à l’intérieur de ces casemates, nos habits fumants de toutes parts se sèchent un peu. On nous offre le thé. Du pain. On reprend des forces. Il y a heureusement parmi nous Ali qui parle arabe et nous aide à trouver avec ces sympathiques habitants à retrouver par où repartir. L’idée fait son chemin. Nous marcherons sur la piste puis la route, toujours enneigée pour regagner Sidi Fatma. Et là-bas on décidera comment et surtout par où, continuer. Durant ce temps là nos 15 balises GPS n’arrivent pas à trouver un point de relais et Stéven ne sait pas où nous sommes. De même impossible pour nous de le prévenir. Ni lui ni personne. Mais le moral est là. Nous sommes plutôt bien ici mais il faut repartir… et on va donc remonter vers le haut du village.
Regagner la route après 15 minutes de grimpette raide sur neige. Puis la route survient. Hélas sacrément enneigée.. Les jeunes du village continuent à nous aider et portent parfois même le vélo sur leurs épaules pendant quelques mètres. Impressionnant. Sur la route on a encore, je ne sais pas, 15 km à faire ? Ce n’est pas la partie la plus fun qui commence. Pousser à pieds les vélos dans la neige c’est pénible. On force. Les chaînes déraillent je ne sais pas pourquoi. Nos protèges chaussures se retroussent par l’avant. Nos pieds sont trempés. On s’épuise et chacun prend petit à petit la décision qu’il partagera arrivés en bas à Setti Fatma.
On y arrive à 17 h 30. Cela fait depuis 9 h 30 ce matin qu’on pousse nos vélos… les cols des montagnes, les sommets sont fermés et il y a tant de neige que cela ne fondra pas avant plusieurs jours… Bref je veux garder un très bon souvenir de cette journée et je décide de rentrer au point de départ. Direction Ourika. Il fait nuit. Sébastien et moi disons au revoir aux 10 autres qui se sont arrêtés pour dîner d’une tajine dans le même restaurant que ce matin pour le thé. Il en manque 3 car il y en a un qui a crevé dans la descente et il est en train de mettre une chambre à air.
Le retour est tout en descente . Il fait nuit. Prudence sur ces routes mais arrivée tranquille aux Collines de l’atlas, notre hôtel. Ça fait du bien de retrouver Isabel et Elisenda qui n’ont pas pu aller à Ouarzazate comme prévu car comme c’est bizarre, les routes de montagne étaient coupées…
Au final abandon donc. Je ne suis pas un finisher. Je me dis que je vais me faire tirer les oreilles par @Stéven le Hyaric l’organisateur. Mais pas du tout. Vues les circonstances il comprend . Je ne suis pas le seul dans ce cas bien sûr. Très gentiment il me donne quelques idées de trace et c’est grâce à l’une d’entre elles que je reprends le vélo pour me rendre à Marrakech le lendemain.
Merci Stéven pour ce GravelMan. Je comprends que certains puisent être énervés par cette galère. Mais il a fait un énorme travail avant et pendant la GravelMan avec beaucoup de conseils et d’aides en temps réel. Personnellement cela m’a confirmé que je n’aimais pas du tout le portage vélo. Ni même pousser un vélo à pied. Avec ou sans neige. Ce sera LE critère pour moi sur de prochaines aventures en gravel. Pas de marche à pied!
Et grand merci à Sébastien Mandron du VCN aussi, pour les photos.
Et grand merci à François Chaunut concepteur et fabricant de mon vélo. Avec tout ce qu’il a connu hier dans cette neige, tout roulait encore à merveille ce matin. Un vrai régal ce Tsomina !
5 juin 2021. Jour 1. De Sainte-Mère-Eglise à Deauville
Pépères tranquilles.
Cotentin. Calvados.
Arrivés la veille en train (Frédéric, Jean-Baptiste, moi-même et bien d’autres) ou en voiture (Alex), depuis Paris ou Nantes, et partis ce matin à 5h18 de Coqueville à vélo, nous sommes enfin à Sainte-Mère-Église lieu de départ de cette Réconciliation 2021. Un autre bike-packer loge au même endroit que nous. Discussion la veille au soir. Il a un petit accent. Il fera la randonnée en solo. On le retrouve ce matin, il nous prend en photo et nous souhaite bonne route. Le reverra-t-on durant le voyage ? Comment s’appelle-t-il au fait ? Et d’où vient cet accent ? L’excitation du moment nous a fait oublier de poser tout un tas de questions évidentes car depuis des mois l’inscription est faite. Depuis des semaines on s’entraine. Depuis des jours on optimise notre barda. Dans quelques minutes on s’élancera. Objectif 1600 km environ. Frais et dispos comme quelqu’un qui se lève à 4h30 du matin nous validons notre premier check point au pied de cette si célèbre église de Sainte-Mère-Église (ne me dites pas que vous n’avez pas vu le film « le jour le plus long » je ne vous croirai pas). Depuis le clocher son parachutiste américain nous observe, nous sommes 66 d’après le Doodle à partir espacés en théorie de 10 minutes entre 6h10 et 7h45.
Mais revenons sur « La Réconciliation ». Ce n’est pas une course, bien au contraire ! Mais pour cause de covid, et de sécurité sur les routes, il est préférable d’éviter de rouler en pelotons trop serrés ; on ne sait jamais ! Et de toute façon 2 heures d’écart sur une telle distance c’est microscopique. L’idée est de faire une balade depuis la Normandie jusque Belfort en passant par les principaux lieux qui ont marqué notre histoire de France, d’Europe et du Monde durant les guerres de 1870, 1914-1918, 1939-1945 et même de revisiter quelques faits historiques imprimés dans nos mémoires à l’école (Valmy ! Varennes ! Napoléon 1er). Ça s’appelle La Réconciliation ! une idée géniale, un titre bien trouvé et qui sera synonyme de cette traversée de la France d’Ouest en Est à vélo. Avec au programme 23 checkpoints obligatoires dont il faudra ramener la preuve de notre passage grâce à un road book très bien fait de 44 pages.
Et merci au grand organisateur de cette manifestation Stéphane GIBON.
Alex, Fréderic, moi-même (et bien d’autres) feront cela en mode Pépères Tranquilles c’est-à-dire en moins de 193 heures, soit 8 jours et 1 heure. Ils appellent ce mode, la formule Baroudeurs. 200 km par jour. Une paille.
Jean-Baptiste (et d’autres) feront cela en mode Fusée à Réaction c’est-à-dire en moins de 138 heures, soit 5 jours et 18 heures. C’est la formule des costauds, la formule Randonneurs Mondiaux. 280 km par jour. Une énormité.
Premier matin :
Une légère brume nous accompagne ce samedi matin. Partis à 3 nous doublons quelques autres baroudeurs, pendant que d’autres randonneurs nous doublent. Notamment au kilomètre 15, Jean-Baptiste. C’est la seule fois qu’on le verra en plus du départ, même si nous resterons en contact avec lui en permanence. Vive les réseaux sociaux.
Frédéric et Alex roulent devant. Alex roule avec un seul gant car il a pris 2 gants gauche. Original… Personnellement je me suis entrainé pour rouler au diesel cette année. Ne jamais forcer pendant 100 km telle est ma devise. Il faut ménager sa monture ? Les routes de campagnes normandes sont parfaites. Roulantes et calmes. Sans difficulté aucune. Puis petit à petit le soleil perce les nuages avant de rejoindre la mer.
Les premières bornes avec cette inscription « voie de la Liberté – 1944 » défilent à nos côtés. Ca y est, on est en plein dedans. Ces premières étapes seront signées par le débarquement de 1944. D’autant plus qu’on est le 5 juin, veille du 6 juin 1944 donc (!) et que nous n’avons jamais vu autant de Jeeps américaines, de motos d’époque de la US MP ou de Tractions des FFL sur les routes… C’est un défilé permanent qui nous croise , nous double durant tout le week-end.
Puis les premiers cimetières militaires apparaissent à partir de La Cambe. Graves, en plein silence, et superbement entretenus (ce sera une constante dans ce voyage, qui entretien aussi bien tous ces cimetières ? chaque pays ?). Et pour celles et ceux qui en douteraient il y aussi des cimetières allemands. Ces hommes ces femmes sont tous morts pour leur Patrie. Honneur à tous ! Et c’est bien rendu.
Km 102. En haut des falaises, 4 pièces d’artillerie allemande gigantesques font face à la mer. Il s’agit de la batterie allemande de Longues-sur-Mer, premier checkpoint. Il y en a 23 au total. Les choses sérieuses démarrent…
C’est aussi le moment de croiser d’autres bike-packers qui sont sur La Réconciliation. Ces checkpoints agissent en fait comme des virtuels points de ralliement. C’est toujours ainsi. Nous nous regroupons ici pour mieux nous séparer juste après. Chacun va à son rythme. La bande de Thierry, Clémence et Joël est là. Pauses photos. Départ. « A+ ! À un de ces jours sur la route ! ». Sympathique ambiance.
Quelques kilomètres plus loin les estomacs commencent à grogner. Il est temps de se mettre en chasse d’une boulangerie. On y prendra nos habitudes de « midi » pendant une semaine. Arromanches est là justement. Un nom bien connu, haut lieu du débarquement où l’on voit encore parfaitement les vestiges d’un port artificiel construit par les alliés pour le débarquement. Devant ce spectacle d’il y a 77 ans, un sandwich au jambon, un coca, un dessert, 40 minutes d’arrêt, et on repart. Ne pas faiblir, il reste 100 km avant notre première étape Deauville.
Mais auparavant il nous reste 2 checkpoints.
Km 151. Monument Kieffer à Ouistreham en hommage à ce commandant de l’armée française et ses bérets verts, les premiers français à avoir débarqué avec les alliés en ce 6 juin 1944.
Nous longeons ensuite un canal qui mène au Pegasus Bridge (« le jour le plus long » vous vous souvenez ? ces planeurs qui atterrissent juste là?). Pont de structure métallique, haut-fait du débarquement, assailli par les Britanniques via des atterrissages de planeurs en pleine nuit. Il FAUT visiter cet endroit. Incroyable que des planeurs aient pu atterrir en un tel lieu. En pleine nuit surtout ! On y fera la rencontre de Chantal ma sœur et de Florian son mari, venus à notre rencontre. Sympathique moment. 5 minutes de pause…
Puis km 197, là-haut perchés sur les hauteurs de Deauville nous devons escalader un raidard de près de 15% pour découvrir la batterie allemande du Mont-Canizy.
Mais surtout Deauville est là. Première bière du finisher sur les planches de Deauville. Il est 19h00 on a le temps de profiter de l’hôtel et d’un bon repas avant de nous coucher tôt. Demain 230 km mais déjà aujourd’hui c’est champagne ou presque pour fêter le premier 200 de Frédéric cette année…
Les stats :
J1. 219 km 1481 m 23,3 de moyenne 12h31 de vélo dont 3 heures de pause.
6 juin 2021. Jour 2. De Deauville à Blangy Sur Mesle.
Le vélo ce plaisir entier …
Calvados. Seine-Maritime.
2 checkpoints prévus, 230 km et un tracé le long de la côte plutôt plat. Nous décidons de lever le camp pas trop tôt. 6 heures fera l’affaire. Il fait bon rouler dans Deauville ce matin même si dès le départ une longue ascension nous réveille et nous réchauffe vite.
Nous traversons le port de Honfleur (et ses pavés !) encore endormi ; cela nous rappelle les quelques Levallois-Honfleur réalisés « dans le temps », avant que cela ne disparaisse au profit de Levallois-Cabourg puis… rien du tout. Dommage !
Direction Le Havre dorénavant avec une traversée sans camions ni voitures du Pont de Normandie. Agréable moment car même sur cette « autoroute », la vue est superbe sur la baie ; côté Sud Honfleur et côté Nord Le Havre. Et à cette heure de la journée on peut en profiter ; même si on ne s’en aperçoit pas en voiture ça grimpe bien !! Frédéric en profite pour accélérer de plus en plus ; il est dans son élément !
Arrivés au Havre accueillis par un chantier de grues, nous découvrons son architecture contemporaine post-guerre, qui est de plus en plus appréciée après avoir été décriée pendant de longues années. Cette ville vaut le détour je vous assure. A visiter sans a priori. Son homogénéité architecturale est unique.
Petit-déjeuner au pied de l’hôtel de ville. Sous un abribus. On y est bien ! Nous croisons quelques bike-packers qui nous doublent puis Alexandrine et ses 2 compères. Petit moment de discussion sur les pavés du Havre. Les pavés, on aime ou on n’aime pas. C’est bien connu… Ne lancez pas la discussion sur ce sujet sinon je vous emmène faire Paris-Roubaix !!
Le Mémorial britannique du raid de Bruneval au km 76 sera le premier checkpoint du jour. On y accède par de belles routes comme on les aime. Peu fréquentées, roulantes et paisibles. Puis après une longue descente nous terminons sur une portion gravel mais courte. Sentiers et herbes sous les roues juste avant de déboucher en haut de cette baie étroite qui se dévoile et où débarquèrent ces anglais.
Avec une fois de plus, un sacré courage…
Nous consignons la réponse à apporter sur ce checkpoint dans le road book et c’est reparti. Logiquement via une longue ascension pour sortir d’ici avant d’entamer quelques kilomètres plus loin une très rapide descente vers Étretat. Ah Étretat ! Qui ne connait pas ses falaises, son golf, son chemin des douaniers et sa chapelle tout là-haut là-haut ? Plaisir des yeux, plaisir des jambes, debout sur les pédales et enfin repos bien mérité autour de la chapelle Notre-Dame-de-la-Garde.
Nous avons parcouru 80 km il en reste encore 150, ne trainons pas ! Nous filons donc le long de la côte. De charmantes petites stations balnéaires défilent sous nos roues. Plus ou moins connues. Vaucottes. Yport. Fécamp. Les petites Dalles. Veulettes Sur Mer. Saint Valéry En caux. Veules Les Roses. Quiberville. Pourville-sur-Mer.
Et petite surprise sortie de nulle part, Sassetot-le-Mauconduit et son château qui a reçu la visite de Sissi en 1875 si on en croit le buste qu’on admire en passant par là.
Km 175 on déboule sur un chemin raide, tout en descente, sorti de nulle part, dans Dieppe. Checkpoint 5. Pause Café Coca Orangina. La bière ce sera pour plus tard. Il ne nous reste plus que 50 kilomètres ; le temps est parfait, soleil, pas de vent, ça roule d’autant plus fort qu’on quitte enfin les lacets le long de la Manche sur quelques chemins pour rentrer dans les terres. Et retrouver des routes bien roulantes. Fini le romantisme, faut arriver !
Km 230 on y est. Domaine de Penthièvre à Blangy-sur-Mesle. Très belle maison de maitre où nous sommes accueillis par le propriétaire qui nous offre le moulin pour y loger cette nuit nos vélos. Un moulin à eau d’époque, de toute beauté et dans son jus alimente toute la propriété en électricité. Remis en état de marche et célébré par France 5 récemment, c’est à voir !
Nous profiterons de cet arrêt pour faire un peu de mécanique. Mon vélo commence à craquer de plus en plus dès que je force un peu sur les pédales. La faute à qui ? Boitier de pédalier ? Moyeu arrière ? Cadre ? Pédales ? Tout y passe mais rien ne corrige ce bruit qui ne cessera de s’amplifier tout au long du séjour…
Le soir, because covid, nous serons obligés de diner chacun à une table, séparés d’un mètre alors que nous sommes seuls dans ce lieu mais les propriétaires insistent. Ils ont été contrôlés justement dans l’après-midi…
Les stats :
J2. 230 km 2372 m 22.3 de moyenne 12h37 de vélo dont 2h15 de pause.
Lundi 7 juin 2021. Jour 3. De Blangy Sur Mesle à Roye.
Après la mer, les terres.
Seine-Maritime. Somme.
D’après le briefing de la veille, nous n’avons que 225 km à faire ce lundi et surtout moins de 2000 m de dénivelé. Donc piece of cake comme diraient nos amis de là-haut. Et surtout départ pas trop tôt, 6h suffira ; c’est royal. Nos hôtes nous ont laissé une machine à café, dehors il fait frais. Idéal.
Ces moments, ces premiers kilomètres sont un régal. Personne ou si peu. Il fait brumeux comme toujours et nous sommes bien équipés. Gilets jaunes et lumières arrières. On ne sait jamais, un automobiliste ou un camion mal réveillé ce n’est jamais très cool ni à croiser ni à précéder. Nous sommes dans notre rythme désormais habituel. Alex et Frédéric s’envolent. Je suis en mode diesel et je vois leurs lumières rouges arrières devant moi m’indiquer le chemin au cas où mon GPS Garmin préféré ne serait pas en forme.
Nous quittons la Normandie ; la Picardie avec ses briques rouges s’affirme de plus en plus. 1h30 plus tard, checkpoint 6. Un monument en l’honneur de 123 tirailleurs sénégalais assassinés par les nazis en juin 1940. Mais que venait-ils faire en cette galère ? Le monument est au pied d’un mur, peu visible et nous avons failli le rater. Sobre édifice, fleuri, bien entretenu, tout y est propre et net. Pas la peine de parler trop. Un regret de plus sur cette époque. Un merci de plus à ces hommes surtout.
À Airaines c’est l’heure du petit déjeuner. Nous avons roulé 40 km. Parfait. On s’arrête à une boulangerie avant de s’installer dans un café place de la deuxième division blindée ! On ne pouvait pas être plus dans le thème de ce voyage !
Ragaillardis, réchauffés et « englucidés » encore plus, direction Amiens désormais. Amiens qu’on sent s’approcher en croisant de plus en plus de cyclistes en petits groupes, signe habituel d’une ville de taille certaine dans les parages ! Puis le flot de voiture augmente, le soleil monte, premier arrêt tartines de crème antisolaire et après quelques détours Notre-Dame d’Amiens sa cathédrale nous fait face de toute sa hauteur. Elle est vraiment imposante. On devrait poser nos vélos pour la visiter. Oui on devrait… mais on file.
Et belle surprise nous quittons la ville via une voie sur berge magnifique : les Hortillonnages. Alex connait car il a visité cet endroit en famille et nous explique tous ces petits jardins maraichers, ces maisons jouxtant le canal. C’est paisible comme une balade à vélo et avec ce soleil, ce calme, aucune envie de rouler vite. On profite.
Mais ce soleil ne doit pas nous faire oublier qu’il y a 100 ans ici même se déroulait la bataille de la Somme. Et plus on avance, plus les cimetières, les mémoriaux et les trous de bombe gigantesques sont nombreux. Checkpoint 7 à Bray-sur-somme. Km 120. Mais impossible de s’arrêter partout sauf quand même dans le village de Fricourt devant un cimetière de 17 027 tués. Dix-sept mille vingt-sept morts !
C’est accessoirement le village où fut enterré le Baron Von Richtofen. Oui le célèbre Baron Rouge, « as » de l’aviation allemande de la première guerre qui abattit 80 avions ennemis dans cette région. Avant d’y trouver la mort à son tour.
Nous ressortons de Fricourt via notre premier vrai chemin Gravel. Sentier de pierres, ornières puis de plus en plus d’herbe sur le chemin. Beau à voir. Un tapis ? Hum… Rester attentif sur le vélo. Éviter les cailloux. Optimiser sa trace. Aller vite. Aller lentement. Surtout pas trop lentement. Prier pour ne pas crever. Ne pas freiner brutalement. Ne pas coincer la roue avant. Et ça s’arrête quand ? 2,5 km c’est peu mais c’est long… Pensées émues pour Patrick et Jean-Michel qui auraient adoré rouler ici !
La campagne est déserte, la végétation pousse, tout est vert tendre. Les paysages sont dénués de tout arbre, vallonnés et le soleil tape comme une brute mais on n’y pense pas. Nous sommes plongés en 1916. Bataille de la Somme. Ce n’est dorénavant plus qu’une suite interminable de cimetières militaires. De toutes les nations puisque s’enchainent des mémoriaux Anglais, Français, Canadiens, Irlandais, Allemands et même plus loin Sud-Africains. Mais pas Américains, pas encore et on révise notre histoire en roulant de front tous les 3. Pourquoi aucun mémorial Américain ? Et on se rappelle qu’en 1916 les Américains n’étaient pas encore entrés en guerre. On lira le soir même ce qui provoqua leur intervention 1 an plus tard en 1917.
Une courte pause est improvisée autour d’un cratère, d’un trou de mine gigantesque. 100 m de diamètre, 30 m de fond. Plusieurs panneaux racontent les histoires personnelles de soldats des tranchées. « Ça n’vaut pas la peine la guerre… » etc. On pourrait rester ici une heure tellement c’est prenant de se plonger dans ces bribes de vie.
Le nombre de morts est saisissant. Toujours indiqués à l’entrée. 7139 au Serre Road Cemetery. 2 426, quelques kilomètres plus loin. 5 500 ici. 72 244 à Thiepval.
Beaucoup de Stop and Go! Nous repartons via de très belles petites routes rurales et même quelques chemins en gravel. Dans une longue descente la statue du Maréchal Foch est vite dépassée. La Maréchal Foch vaut-il qu’on s’arrête devant sa statue ? Hum… à réfléchir… Nous nous dirigeons vers Péronne, la fin de journée est proche. Nous avons hâte d’arriver à notre étape du jour, Roye, car la veille au soir au moment de confirmer qu’on pourrait bien dîner sur place la personne avec qui j’ai discuté m’indique au contraire que rien n’est convenu en ce sens. Après quelques moments à discuter au téléphone je lui propose qu’elle fasse un repas simple du style salade de tomates ou melons, ensuite, spaghettis à la carbonara et pour finir fruits ou yaourts. Elle avoue : « effectivement ce n’est pas compliqué à faire : ». Je sens que c’est gagné. J’ajoute juste « si vous pouviez avoir quelques bières locales aussi ce serait impeccable ». Elle acquiesce. A voir si elle aura tenu sa promesse… On a hâte de « vérifier ».
19h30 on y est. Madame et Monsieur nous accueillent très gentiment. Maison de ville à plusieurs étages. Un étage est pour nous. Nos vélos sont dans le jardin. Il fait bon. Elle sort une grande bouteille de bière « Ch’ti ». Nous allons ensuite prendre nos douches. Le repas est encore mieux que prévu. Elle a ajouté de la mozzarella et du basilic. Une autre grande bouteille de bière « Goudale » est déposée. Le plat de spaghettis est énorme. On va engloutir 2 baguettes environ. Nous nous régalons.
Monsieur est aussi cycliste. Nous partageons notre aventure avec eux. Ils viennent de Bretagne mais maintenant qu’ils sont dans la Somme ils sont dans une association qui recherche les anciennes tranchées de la guerre 14-18. Un de leurs aïeux se serait même battu ici dans la région. Ils enquêtent.
Le lendemain départ 5h00, Monsieur s’est levé pour nous laisser du café et sortir nos vélos. Charmante rencontre.
Les stats :
J3. 227 km. 1858 m 21.5 de moyenne 13h19 de vélo dont 2h45 de pause
Mardi 8 juin 2021. Jour 4. De Roye à Sainte-Menehoulde.
270 km, arf !
Somme. Oise. Aisne. Marne.
La plus longue du périple. 270 km au programme et même s’il n’y a que très peu de dénivelé nous nous en méfions. Réveil 4h15, café 4h30, départ 5h00 après avoir mis un peu d’huile sur mon axe de roue arrière car les craquements sont de pire en pire. Est-ce que cela va s’améliorer ? Casser ? Essayons de ne pas y penser. Essayons…
Encore un matin brumeux et très agréable. Les routes sont faciles à prendre. Météo fraiche mais pas de vent. Une belle journée à venir avec 4 checkpoints.
Km 42, première pause au checkpoint à Rethondes carrefour de l’armistice du 11 novembre 1918 et de celle du 22 juin 1940 mettant fin à la première guerre mondiale et à celle de « 39-40 ». Toujours un peu dommage cette clairière car le wagon de la signature n’est pas du tout visible. Il est enfermé dans un bâtiment clos, protégé d’une grille et il faut être présents durant les heures de visites pour y pénétrer. Il est 7h15… on passe !
De toute façon on connait l’endroit car c’est ici que les Singer, club de Levallois-Perret, organisent leur « randonnée du souvenir » annuelle chaque 11 novembre. A faire si vous ne l’avez jamais courue. Et en plus on a faim. Cela fait plus de 2 heures qu’on roule et c’est dans le pays des chips VICO (Vic-sur-Aisne donc) qu’on prend notre petit-déjeuner dans un café juste en face du château de Vic.
Après avoir longé l’Aisne nous remontons vers le Nord ; les routes deviennent plus rurales, tout en serpentant et sans personne. Idéales. Les cultures de betteraves, d’orge, de blé ou de colza nous entourent.
Le revêtement est parfois un peu rugueux mais c’est sans effort qu’on arrive à Margival sur une route vallonnée que l’on quitte sur la gauche pour prendre un petit chemin en forêt. Le chemin s’appelle Wolfsschlucht 2. On arrive dans « la tanière du loup », on pénètre en territoire Allemand. On roule le long d’une succession de blockhaus bien cachés malgré leur taille, entre forêt et sentier. Ils se nomment Le Matz, Loano, Zucarello. Une voie de chemin de fer désaffectée est là. Elle a dû en transporter des hommes et du matériel durant la seconde guerre mondiale. Cette base était en fait un des lieux de commandement de l’armée allemande ; Hitler y a séjourné une fois en juin 1944. L’endroit est lugubre malgré le soleil qui monte de plus en plus mais il vaut le détour pour son côté historique.
Une fois sorti de cette « gorge du loup » nous abordons désormais un autre moment d’Histoire de 1917 : le Chemin des Dames. Guerre de position durant des mois. D’autres morts par dizaines de milliers. La route est longue, rectiligne et domine des plaines à perte de vue de part et d’autre. Une bande bleue continue ou discontinue est tracée sur le bitume. On devine loin devant nous un petit groupe de bike-packers dont on se rapproche petit à petit. Il s’agit de Alexandrine qu’on avait croisée à Dieppe. Elle n’a plus qu’un compère. Le troisième, son père, a pris quelques raccourcis car il n’est pas en forme. Puis c’est Thierry, Joël et Clémence qui nous doublent emmenés par la plus jeune des 3. Ils nous envoient ce petit vent frais des dépassements qui nous enrhume… mais quelques kilomètres plus loin leur rythme a décru. Ils papotent ils papotent… et c’est à notre tour de les enrhumer.
En tout cas lièvres ou tortues, peu importe car juste après le chemin des dames qu’on quitte après l’avoir suivi sur une dizaine de kilomètres, nous nous retrouvons tous -avec d’autres comme Pascal- au bas de la statue de Napoléon 1er. Nous sommes sur le site de la bataille de Craonne de 1814. C’est notre km 116, checkpoint 10, il est 11h20.
Nous repartons tous ensemble mais nos rythmes étant différents nous sommes vites séparés les uns des autres. Et une fois de plus seuls dans une campagne superbe et dénuée de tout trafic routier. Nous arrivons dans le Nord de la Champagne. Reims n’est pas loin mais on n’y passe pas du tout car la trace s’enfonce plein Est dans une campagne sans personne ou presque. Pause déjeuner sandwich à Cormicy dans la chaleur mais qui fait du bien. Petit signe de la main à la « bande à Thierry » tranquillement attablée sur une terrasse de bar dans le centre du même village un peu plus loin. Y’en a qui se la coulent douce non ?
Il fait de plus en plus chaud ; nous viderons rapidement nos bidons et cet après-midi-là c’est de cimetière communal en cimetière communal que nous allons désormais nous rafraîchir dès qu’on peut. Notre route reprend par un passage longeant le canal de l’Aisne à la Marne. L’eau est verte comme dans les rivières des montagnes. Surnaturel mais bel effet visuel.
Nous avalons des kilomètres petit à petit. Nous enquillons de longues lignes droites. Ça use. Ces paysages de plaines à perte de vue donnent l’impression qu’on n’y arrivera jamais.
La monotonie des lieux est heureusement rompue grâce à de nouveaux mémoriaux dont le mémorial américain du Blanc-Mont, juste avant Sommepy-Tahure où l’érosion et l’herbe ont rebouché les tranchées d’alors. Le lieu est très bien mis en évidence. Nous nous baladons à l’intérieur pour mieux en profiter. Malgré les horreurs qu’il a connues, c’est étonnant mais cet endroit fait du bien, on aimerait se poser, se reposer, rêvasser et profiter de sa nature ombragée, calme.
Quelques kilomètres plus loin un monument gigantesque marque notre nouveau checkpoint. CP 11, Km 197, 16h25, c’est le monument aux morts des armées de Champagne. En honneur aux batailles de Champagne de 1914 à 1918. Nous sommes dans la Marne ! Ouvrez vos livres d’Histoire, c’est le moment !!
Il reste encore un checkpoint avant de terminer la journée. Nous avons parcouru presque 200 km, il est 16h30 et il nous reste 70 km. Nous sommes dans notre rythme, parfait. Mais auparavant je décide de baisser ma selle. J’ai mal au tendon d’Achille à la jambe droite depuis hier comme si je tirais trop dessus et je ne peux plus appuyer. Grâce à Frédéric qui a un jeu de clefs BTR en accès rapide je la rabaisse de 5 mm. Ce sera efficace immédiatement. Cela n’évitera pas un gonflement du pied et de la cheville de plus en plus et une tendinite au retour mais je me sens tout de suite mieux. Quelle bêtise d’avoir changé de selle auparavant, la baladant d’un vélo à l’autre, sans bien vérifier mes mesures ensuite ! Erreur de débutant !
Prochain objectif : Valmy ! Ha Valmy ! Toute notre enfance scolaire. Valmy, la Révolution, la victoire des Révolutionnaires face à l’Europe royaliste et conservatrice ! Et tout cela dans ce petit moulin qui apparaissait systématiquement dans nos livres d’Histoire de France. Hé bien, allons-y !
Nous quittons donc la Marne pour les Ardennes. Et surtout nous quittons le goudron pour un long chemin crayeux de gravel qui monte de plus en plus et qui débouche sur un site magnifique : la main de Massiges au sommet d’une petite butte surplombant toute la plaine avec des tranchées toutes blanches et saisissantes. Le site est en train d’être restauré et nous ne regrettons pas d’avoir suivi ce chemin de pierres. La vie autour des tranchées y est détaillée. Avec ses réserves d’eau, ses approvisionnements en tout genre, ses barbelés, ses piquets de bois. Très réaliste.
Puis après encore d’autres chemins en gravel et toujours au milieu de cette campagne quasi déserte, surgit Valmy. Et son moulin tout là-haut ! Année 1792, nous y sommes !
Km 257. Checkpoint 12. 18h53. On perd un peu de temps pour essayer de trouver un tampon d’un commerce local car à Valmy il n’y a plus aucun commerce… Mais le road book l’exige « tampon dans un commerce ». Ils sont marrants les organisateurs ! Ça fait combien de temps qu’ils ne sont pas passés par ici eux …
Nous discutons alors avec quelques habitants du lieu. Ils connaissent le maire qui lui, a un tampon. « Suivez-moi » nous lance une habitante. Elle monte dans son 4×4 et nous voilà tous les 3 à fond derrière cette voiture pour aller chez Monsieur le Maire. Maire qui nous attend devant chez lui, tampon, à la main. Plaf ! Plaf ! Roadbooks tamponnés. Celui-là, il vaut cher ! Qui l’aura vraiment ?! Merci les amis et en route pour Sainte-Menehoulde qu’on atteint à 19h45.
Le couvre-feu est encore à 21h00. C’est le dernier jour avant de reculer à 23h00, et donc il faut se dépêcher pour pouvoir diner à l’hôtel. C’est ce qu’on fait, après 270 km nous sommes superbement installés en terrasse. On récupère avec une pinte de bière ambrée Ardennaise. Quel beau moment !
En rentrant à l’hôtel, le hall s’est rempli de vélos. Une douzaine de bike-packers loge au même endroit apparemment… dont Thierry qu’on ne verra même pas. Chacun son rythme et ses horaires !
Les stats : 271 km 2126 m 22.3 moyenne 14h50 de vélo dont 2h40 de pause
Mercredi 9 juin 2021. Jour 5. De Sainte-Menehoulde au lac de Madine.
Maurice Genevoix « Ce que nous avons fait, c’est plus qu’on ne peut le demander à des hommes, et nous l’avons fait ».
Marne. Meuse. Ardennes. Meurthe-et-Moselle.
Courte étape de 200 km mais un peu plus de dénivelé que d’habitude. Grasse matinée, départ à 6h00 à travers la ville qu’on laisse se réveiller sans nous. Puis sans prévenir quelques gouttes de pluie surgissent. On n’en croit pas nos yeux ! La pluie ! Au début très faible et de plus en plus insistante si bien qu’après 15 km de route nous nous abritons sous le porche d’une boulangerie de Vienne-le-Château. Il ne fait pas froid mais inutile de se transformer en éponge dès le départ. Impression d’inutilité à rester ici dès le départ car on n’avance pas et c’est trop tôt pour prendre notre petit-déjeuner. Que faire d’autre que patienter !! 30 minutes plus tard cela cesse ; nous repartons. Ce sera le seul moment pluvieux du voyage. Finalement, quelle météo superbe nous aurons eu, du début jusqu’à la fin !
Mais pour l’instant même si la route est détrempée nous pouvons continuer. Les premiers mémoriaux apparaissent. 4 849 tombes ici même. Décidément, « quelle c… la guerre ! » Vrai ? Faux ? se demande-t-on ! Nous sommes au beau milieu d’une région en feu dès 1915 (guerre des mines de la Haute-Chevauchée) puis de ce qui fut le front de la Meuse-Argonne c’est-à-dire là où se déroulèrent en 1918 les derniers affrontements entre Alliés, dont les Américains, et les Allemands. Entre forêts et plaines nous avançons.
Un long sentier de pur gravel, raide et en forêt nous réveille (comme si la pluie n’avait pas suffi) pour nous déposer sur le site de blockhaus « Kronprinz ». Pied à terre pour visiter. Tranchées. Terre retournée recouverte de végétation après tant d’années. Blockhaus de différentes tailles. Silence total, respectueux, une fois de plus entre nous trois.
Et au moment de repartir voilà une tique que j’aperçois sur une jambe. Je la vois nettement. J’ai juste le temps de l’enlever avant qu’elle ne s’accroche avec ses dents de devant ! J’essaie de l’écraser sur ma jambe mais elle glisse, elle bouge, elle fuit et ouf, j’arrive à l’ôter avec nervosité. Frissons ! Inspection totale à prévoir ce soir…
Le voyage continue, nous sommes à Varennes-en-Argonne. Autre lieu ancré dans nos mémoires, autre temps de notre Histoire, Louis XVI !! Oui c’est ça Varennes, là ou Louis XVI a été arrêté au moment où il tentait de quitter la France en 1791. Une plaque nous rappelle brièvement cette journée. Après Valmy hier, voilà une belle surprise.
Nous en profitons pour y prendre le petit-déjeuner. Pas de boulangerie ouverte (« ils ne sont jamais ouverts le mercredi ») mais le café du village nous propose des double-cafés et des muffins (prononcés « mu-faim » par le sympathique tenancier des lieux). Nous avons fait 37 km mais la région étant très rurale et avec peu de commerces à chaque ville traversée, qu’on préfère assurer et ne pas reporter à plus loin notre petit-déjeuner. Évitons d’avoir une fringale dès le début même si j’ai consigné par avance dans notre road-book pour chaque étape rurale les boulangeries existantes et à quel kilométrage. On n’est jamais trop prudent…
Quelques coups de pédales plus loin nous déposent à un des sites les plus grands qu’on ait croisé : le cimetière américain de Romagne-sous-Montfaucon. Le site est manucuré comme un golf et d’une taille impressionnante comme seuls les Américains savent le faire quand ils veulent justifier ou rappeler quelque chose. Pas étonnant que ce soit notre premier checkpoint du jour.
CP 13, km 57, 10h15. Un mémorial à la hauteur de ses 14 426 croix. Nous y déambulons lentement tête à gauche, à droite, devant, derrière. Nous y sommes avec la bande à Thierry. Et même Alexandrine et son collègue qu’on croise en sens inverse (ils se sont trompés d’itinéraire, on les retrouvera plus tard mais dans le bon sens cette fois-ci…).
Nous partageons quelques fruits secs avant de nous en aller et de rouler ensemble parmi ces vallons verts et bucoliques. Température idéale. Paysages reposants. Moments qu’on voudrait faire perdurer au maximum tellement ces instants sont magiques à vélo.
Prochain objectif dorénavant : la Lorraine et surtout, Verdun. Ce nom résonne aussi dans nos têtes comme LE phénomène de 1916. On ne parle plus ici de dizaines de milliers de morts, mais de 300 000 morts. Verdun et ses tranchées. Ses bombes. Ses canons. Ses millions d’obus. Ses gaz. Ses attaques qui ne font en rien bouger le front. Étonnamment cette zone n’est pas très grande. En quelques kilomètres nous traversons une forêt qui a tout recouvert. Interdit d’y pénétrer, de pique-niquer ou d’y jouer au foot comme le signalent certains panneaux par moments !! mais les noms des sites sont évocateurs. Retranchement Abri MF2. Tourelle de mitrailleuse. Abri d’infanterie DV1. Batterie de la Fausse-Côte. Ruines du village de Vaux. Poudrière de Fleury. Batterie de l’hôpital. Batterie du tunnel. Abri DV4, VLL1 etc etc.
On s’arrête à la nécropole de Douaumont. Monument imposant, froid, brutal, tout en longueur, 50 m de haut. Ossuaire de 130 000 morts. Cent trente milles… C’est ici que s’étaient donnés rendez-vous Helmut Kohl et François Mitterrand en septembre 1984. L’image est restée célèbre car ils s’étaient donné la main en ce lieu. La Réconciliation dirait Stéphane… on y est ! La Réconciliation !!
Qu’elle fait du bien cette réconciliation car avec 100 ans d’écart, tout, ici, rappelle ces affrontements. Comme ce « point X des Éparges » en haut d’un plateau qu’on rejoint via une petite route forestière en montée et qui débouche sur un point de vue surplombant toute une vallée en contrebas, plein Est. L’histoire nous raconte qu’il fut assailli pendant des mois d’hiver de 1915 sans jamais être gagné. Par les Allemands ? par les Français ? Oui, par ces derniers mais peu importe.
Maurice Genevoix y était. Une statue à son nom nous le signale en redescendant au village des Éparges : « ce que nous avons fait, c’est plus qu’on ne peut le demander à des hommes, et nous l’avons fait ».
Nous sommes alors au km 133. Checkpoint 14. 15h16. Point X des Éparges.
Toujours aussi peu de monde sur les routes et nous continuons notre chemin ; il ne nous reste plus que 70 km et un CP à faire. Nous y arrivons vers 17h30 ; Il s’agit de la Tranchée de la Soif en pleine forêt du bois d’Ailly. C’est le moment opportun où, consultant nos WhatsApp, nous lisons un message de Jean-Baptiste qui est quelques centaines de kilomètres devant nous. Il est à fond car il doit boucler son périple en 5 jours mais il a quelques doutes sur l’emplacement de son diner du soir… Nous le localisons sur la carte. Étudions le dossier. A 3 on devrait y arriver ! Effectivement très peu de commerces ou de restaurants dans son coin. Nous lui conseillons de se détourner de 4 km pour une adresse qu’on a repérée. Il nous remercie et avisera en roulant pour finalement trouver lui-même une pizzeria sur sa route qui tombera à point pour le remettre en selle !
Km 170. CP 15. 17h50. Tranchée de la soif.
La fin de la journée est interminable. Il ne reste que 30 km et il fait très chaud encore. Nous décidons de nous requinquer dans un café à Saint-Mihiel où paisiblement installés, nous regardons les voitures passer ainsi que la bande à Thierry une fois de plus ! Ils s’arrêtent et cherchent un commerce pour leur dîner de ce soir. Bivouac au programme ce soir pour certains parmi eux.
19h30 nous arrivons à l’hôtel du Lac de Madine. La personne de l’accueil nous indique où sont nos chambres et nous conseille de laisser nos vélos dehors cette nuit dans un petit réduit derrière l’hôtel. Laisser nos vélos dehors la nuit à l’extérieur ? « Oui Madame » mais c’est vite vu, on sait déjà qu’on va dormir avec nos vélos cette nuit… à nos côtés… vous auriez fait quoi vous ?
Les stats : 201 km, 2273m, 19.8 de moy, 13h40 de vélo dont 3h30 de pause.
Jeudi 10 juin 2021. Jour 6. De lac de Madine à Sarrebourg.
Où les premiers D+ apparaissent…
Meurthe-et-Moselle.
Cette étape est celle que craint Alex depuis le départ. Il partage ses sentiments lors du briefing de la veille au soir. Nous avons roulé 5 jours, le 6ème le corps commence à fatiguer et en plus près de 3000 m de dénivelé nous attendent pour 235 km. Frédéric et moi partons sans à priori. Il y a 3 checkpoints au programme et la seule préoccupation au vu des contrées traversées c’est de ne pas se louper sur les endroits où nous pourrons prendre notre petit-déjeuner et le repas de midi. Dans mes notes j’ai une boulangerie au km 70 (petit-déjeuner donc) puis une autre au km 100 pour l’habituel sandwich de midi. Ça devrait aller donc !
Dans ma tête je me dis qu’Alex est le plus chevronné de nous 3 en termes d’expérience et de longues distances, j’ai donc une petite lumière qui s’allume : méfie-toi Nico ! Économise-toi bonhomme ! Le départ est donc prévu pour 5h00. Et comme les jours précédents, météo fraiche mais agréable avec une légère brume sur le très placide lac de Madine. Nous le longeons pendant un bon moment sur une piste cyclable très bien placée. Pas un chat. Rien. Le jour est levé depuis peu et de bonne humeur nous nous élançons.
Une fois éloignés du lac la route s’élève et nous louvoyons à travers les collines de la Meuse. Le soleil est encore rouge orangé. C’est un pur bonheur que d’avancer par ici.
40 km plus loin nous débouchons dans le village de Gorge. Il a l’air si sympathique ce village que nous décidons de quitter quelque peu la trace pour essayer de dénicher un café, une boulangerie, ce n’est pas prévu mais on ne sait jamais. Et la chance nous sourit puisqu’une boulangerie récemment installée est ouverte (nous avons remarqué depuis le départ que dans ces campagnes parfois dès 5h30 ces boulangeries sont ouvertes !!). Elle propose même des quiches bien appétissantes. Ça nous changerait des sempiternels pains au raisins, croissants ou pains au chocolat… il ne manquerait plus qu’un bar existe pour que ce soit une superbe pause ! Hélas point de bar ; le « café du centre » ayant fermé, « on n’a plus rien d’ouvert ici, quel dommage ! » nous susurre une habitante avec qui nous discutons. En revanche la petite maison de la presse possède une machine Nespresso et pour 3 euros nous propose 3 doubles cafés. Nous n’avons plus qu’à nous installer dans la rue principale et prendre notre petit-déjeuner… C’est-y pas beau la vie de bike-packer ?! Mais comme dirait Gwénaël « pause maxi 30 minutes… ». Bien vu Prof !!
Et c’est reparti vers le premier objectif de la journée, Gravelotte et son cimetière d’une autre guerre, celle de 1870 ! Nous sommes retardés à cause d’un accident devant nous qui bloque la route. Un sympathique gendarme nous ordonne de faire demi-tour ; « non personne ne peut passer, la route est fermée pour 2 heures ». Un modèle de diplomatie ce jeune homme. Restons calme. Demi-tour et comme nous sommes en forêt nous décidons de contourner l’accident en crapahutant à droite de la route, au début à vélo, puis à pied à côté du vélo et enfin avec le vélo sur l’épaule… mais surtout à l’écart des pompiers et du gentil gendarme pour déboucher 200 mètres après l’accident. Ouf ! La bande à Thierry fera de même quelques instants plus tard, nous le saurons via quelques photos partagées sur le WhatsApp. Les grandes idées se rencontrent toujours !
Checkpoint 16. Mausolée Allemand de 1870. Km 49. 8h40.
Il est l’heure maintenant de partir pour un haut lieu de la dernière guerre : la ligne Maginot. Nous sommes toujours en Moselle et c’est au fort du Hackenberg plus précisément qu’on en découvrira son entrée. Nous ne pouvons nous permettre de le visiter. Dommage car derrière ce bloc de béton énorme ce sont des galeries souterraines de plus de 10 kilomètres qui forment tout un front tourné vers l’Allemagne. La ligne Maginot on en a tellement entendu parler (une fierté de l’armée française, jamais utilisée sauf par les Allemands eux-mêmes contre les Américains…). Bref, il faudra revenir.
Il fait très chaud, même très chaud. On s’approche de midi. Nous repartons via ces habituelles petites routes entre vallons et collines. Peu de villages, peu de commerces, ne nous faisons pas avoir, surveillons les boulangeries !
Le village de Monneren sera le bon. Il fait d’ailleurs tellement chaud qu’on demande si on ne peut pas rester dans la boulangerie pour manger. Les sandwichs sont excellents. Nous engloutissons le tout avec des Perrier ou du Coca. On nous remplit aussi les gourdes avant de repartir tous ragaillardis, mais je fais l’erreur de choisir de garder mes manchettes pour me protéger de ce soleil au lieu de me badigeonner de crème solaire. J’ai encore plus chaud ainsi. Je ne m’en rendrai compte qu’en fin de journée. Trempé sous ces manchettes au moment de les enlever, j’aurai toute la journée, dépensé de l’énergie pour le vélo certes, mais aussi pour rafraichir le corps. Une bien mauvaise idée…
A Morhange, juste après le dernier checkpoint de la journée, CP3, cimetière allemand de 14-18, nous décidons de faire une halte. Il est 4 heures, pause goûter dans un salon de thé, confortablement assis sur la petite terrasse du trottoir, nous partageons cette aventure cycliste avec nos voisins. On récupère. Il fait un peu moins chaud. Il ne reste plus que 60 km, la région est belle avec ses couleurs vert tendre printanières ; ça devrait aller.
Mais l’arrivée à Sarrebourg, accompagnés des premières cigognes, au bout de 230 km sera pénible. Il faut en permanence relancer la machine et ça use. Heureusement la réparatrice pinte de bière blonde à l’hôtel est revigorante à souhait !
Alex aura eu raison de se méfier de cette étape ; lui aussi a souffert. Seul Frédéric vogue de jour en jour de record en record avec facilité. Il est en grande forme, son entrainement a payé et cela se voit. Il est bien souvent devant !
Les stats : 234 km, 2785m, 20.1 de moy, 14h30 de vélo dont 2h50 de pause.
Vendredi 11 juin 2021. Jour 7. De Sarrebourg à Munster.
Une vraie étape de montagne.
Moselle. Vosges. Haut-Rhin.
5 cols au programme. 3 500 m de dénivelé sur une courte distance de 170 km. Le profil est clair et net, ce jour il faudra prendre patience et s’économiser dans les ascensions.
Départ 6h et pour la première fois nous pouvons prendre notre petit-déjeuner sur place car tout est déjà installé. Autant prendre des forces dès à présent car nous sommes au pied du massif des Vosges et nous allons le traverser du Nord au Sud, dans toute sa longueur pour basculer le soir en Alsace à Munster. Sur la carte cela donne l’impression qu’on va être dans les bosses en permanence. Dès le début la météo est parfaite, un peu de fraicheur, pas de brouillard et un ciel bien dégagé. Une magnifique étape en perspective avec ces routes de montagne comme on les aime. Et 2 checkpoints.
Nous nous élançons sans forcer même s’il faut se chauffer fissa-fissa car 40 km d’ascension sont prévus jusqu’au premier col. Heureusement le revêtement de la route est parfait, voire tout neuf et, petit à petit, la forêt se fait de plus en plus présente.
Nous sommes en forme, le premier col est franchi sans problèmes. C’est tellement agréable ce matin que nous avons retiré bien vite nos coupe-vents. Sur la route, pas un chat jusqu’au premier checkpoint. Nous sommes maintenant en Alsace. Il est 9 heures. Premier chemin gravel de la journée pour nous déposer au CP 19, Km 44, nécropole nationale de Grandfontaine « le Donon », du nom de la bataille de Donon d’Août 1914. Un millier de morts de chaque côté…
Pascal B nous rejoint devant ce mémorial. Nous repartirons ensemble pour partager la route jusqu’au village de Schirmeck au-dessus duquel est suspendu le très moderne musée mémorial d’Alsace-Moselle. Il est consacré à l’histoire de cette région, tantôt Allemande tantôt Française depuis 1870.
Après avoir repris quelques forces nous repartons pour 25 km d’ascension vers le second col du jour, le Champ du Feu 1099 m. La montée est longue, chacun à son rythme. Frédéric s’en va devant vers les sommets. Alex et moi derrière. Avec un arrêt saisissant au km 70 où surgit d’un seul coup le camp de concentration de Natzweiler-Struthof. Camp de travail, camp de transit, camp d’exécutions, camp d’extermination. Toute l’horreur y est. Chambre à gaz. Potence pour exécutions par pendaisons. Barbelés infranchissables. Portail de poutres noires et de câbles enchevêtrés qui donnent la chair de poule. Le site est très bien mis en évidence une fois de plus. Avec le camp tel quel, inchangé, tel qu’on l’imagine à cette époque. Et un mémorial gigantesque qui domine toute la vallée. Nous nous y arrêtons un long moment. Encore un lieu qu’il faudrait revenir voir et visiter avec plus de temps.
Le reste de la journée est une de ces journées comme on les aime à vélo. Il fait un temps superbe, il y a peu de voitures autour de nous et la montagne en cette période est très agréable. Les ascensions sont longues, on est vraiment en montagne, mais elles passent bien et même si nous circulons les uns à la suite des autres, à notre rythme, nous nous retrouvons aux sommets. Personne ne fait la course. Nous n’avons qu’un seul objectif : jouir de ces journées après tant de mois à préparer l’aventure. Certes il y a des checkpoints et nous ne voulons pas arriver tard le soir. Mais quel plaisir de faire cela sans trop de contraintes de temps, sans stress du chrono et en bonne compagnie ! Étonnamment ce vendredi nous ne rencontrerons que peu de bike-packers. Depuis Pascal ce matin, plus personne…
Le point le plus haut, la tour du champ du feu, 1099 m, est atteint vers 12h15. Rien de très beau à voir. Une tour sous échafaudages. On passe avant de filer sur une descente de 15 km qui nous dépose à Villé. Idéales ces descentes pour avaler des kilomètres sans effort… Et en bas ça tombe bien car il parait qu’il y a un bon vélociste qui pourra peut-être regarder mon vélo… Mais non, ça tombe mal car il est près de 13h00 et tout est fermé… Pas grave ! On en profite pour dénicher une petite boulangerie (qui ferme juste derrière nous…), s’installer sur une des places du village et déjeuner à l’ombre. Nous partageons le fait que Villé est bien en Alsace. Il suffit de regarder les façades des maisons, typiques avec leur couleur pastel. Vert, ocre, jaune, rose, bleu. On y est bien même si les températures augmentent de plus en plus. Séance crème solaire indice 50 et on « sonne le boute-selle » !
Après Villé nous avons encore 3 cols à grimper. 600 m, 860 m et 965 m avec à chaque fois redescente jusqu’à 200 m dans la vallée. On enquille donc l’ensemble à un bon train. L’étape est courte, 170 km et ça nous change des 200+ des journées précédentes.
Puis en fin d’après-midi la forêt se fait plus étroite, la route plus sombre et nous retrouvons quelques mémoriaux, croix souvenirs et cimetières avant de déboucher sur le Linge. 1915 les tranchées de nouveau. Barbelés, canons à obus, hommages à tous ces morts. Il est écrit que ces tranchées étaient occupées par des Français et des Allemands à quelques mètres les uns des autres. Sans faire bouger le front ; pendant 4 ans. Est-ce vrai ? Comment est-ce possible ?
Nous sommes au checkpoint 20. 18h59. Km 157. 10 000 morts. Dix mille…
A partir du Linge nous quittons la trace officielle pour Munster où nous dormirons. Une drôle d’idée en réalité car nous allons prendre une très belle descente qui domine la vallée, bien pentue par endroits pour ensuite, le lendemain matin, la reprendre à froid en sens inverse ; et repasser au Linge !! Encore une erreur de débutant ! On aurait très bien pu se passer de cette ascension à 8% de moyenne… Quoi qu’il en soit nous arrivons à Munster et ses cigognes très nettement visibles sur les toits de la ville.
Cuisine locale ce soir avec tarte au Munster, bière Alsacienne et vin d’Alsace ? ! Non, là on n’a pas osé pour le vin… Mais on aurait dû car il ne nous reste plus qu’une étape !!
Les stats : 169 km. 3 380 m. 16.6 de moy. 13h22 de vélo, 3h15 de pause.
Le Grand Ballon d’Alsace, la Route des Crêtes, et le Lion de Belfort. 3 sites et 2 checkpoints pour ce dernier jour qui parachève en beauté cette traversée de la France si originale et si intéressante.
Le profil du jour est parfait. C’est en plus l’étape la plus courte, avec 140 km qui commenceront par une ascension pour rejoindre le plateau puis pour longer toute cette chaine montagneuse sur sa célèbre route des crêtes avant de descendre dans la vallée plein Sud pour atterrir à Belfort. Seul petit bémol, nous sommes samedi, il fait très beau et cette touristique route est très courue en week-end. Cela ne va pas rater ! Motos et voitures vont nous doubler, nous croiser toute la journée ! C’est notre faute ! Si on avait pris la formule 5 jours on serait déjà arrivé… Mais ça, ce sera quand on sera plus grand !!
On démarre pour s’arrêter 1 km après… et garons nos vélos devant « Hopla vins » belle boutique locale. Il est 6h et une boulangerie est déjà ouverte. Ne prenons pas de risques, autant prendre des forces dès maintenant.
Surtout que nous avons cette ascension du Hohroderg à faire à froid ! 9 km à 8%.
Une fois réchauffés nous nous retrouvons sur le site de la veille, le Linge. Nous y croisons Gunar qui s’affaire autour de ses disques de freins. Problème de plaquettes. Gunar roule seul, il n’a pas besoin d’aide nous dit-il. C’est la seconde fois qu’on le voit. Il était dans le même hôtel que nous le tout premier jour à Coqueville et nous ne l’avions plus revu depuis lors ! Nous repartons ; toute cette journée nous allons le croiser à plusieurs reprises !
Nous ne sommes pas encore sur le plateau et la forêt dévoile le Lac Noir puis le Lac Blanc. Belles étendues brillantes en ce petit matin. Eaux bleutées par le ciel et immobiles. Personne. Pas un bruit. Nous traversons une terre d’alpages, on s’endormirait presque quand surgissent 2 raidillons à près de 15% ! De si bon matin ça réveille dur !! Puis ça se calme, et la trace nous fait dévier sur un sentier Gravel. Ce détour de 5 km est prévu pour nous envoyer vers la Nécropole nationale du Carrefour Duchesne. Très joli cimetière parmi les sapins. 408 morts, tous durant la nuit de Noel 1914. Inutile de dire pourquoi mais on fait une pause sans mots. On lit son histoire. Tout simplement.
A partir de là nous quittons la quiétude de ces lieux pour suivre la route des Crêtes. Col de la Schlutz pause pipi, Markenstein on roule cool, Grand Ballon on y va. Entre Vosges et Alsace nous louvoyons sur cette haute route qui à l’Est se tourne vers la plaine des vins d’Alsace et de l’Allemagne. Et à l’Ouest vers les vertes contrées et vallons des Vosges. Mobiles-homes, voitures, motos, vélos nous accompagnent dans les deux sens. Nous sommes loin des presque désertiques paysages des journées précédentes… mais le panorama est magnifique.
Cela dure près de 45 km ainsi. Nous avons le temps d’en profiter. C’est vraiment une région à visiter. Pistes de ski de piste comme de fond, chemins de randonnées à pied ou en VTT. Tout y est. De nombreux espaces permettent aux visiteurs de se garer et de profiter du site.
A midi après une rapide pause déjeuner sur une terrasse surplombant la vallée nous arrivons au plus haut sommet des Vosges : le Grand Ballon d’Alsace. Le radar de l’aviation civile posé en son sommet se voit de loin, la dernière montée est raide et tape les 10% mais ça y est 1325 m ! Sur les derniers 500 m les cyclistes locaux nous dépassent, appuyant plus fort sur les pédales à l’approche du sommet ; c’est exactement ce qu’il faut à Frédéric qui se met en danseuse, debout sur les pédales et leur colle au train malgré ses 7 kilos de bagages… Ah il a la forme Fred !! Super forme !!
Arrivés là-haut la vue est sans fin. On voit parait-il à plus de 100 km. Toute la plaine d’Alsace est là. On comprend pourquoi un tel radar a été construit par ici. C’est aussi la fin de la route des crêtes et nous allons entamer une descente de près de 22 km, passant de 1300 m à 300 m. Cela va nous faire sortir de cette zone montagneuse pour rouler sur du plat de chez plat. Un autre visage de l’Alsace avec même les premiers coteaux de vignes au Vieux-Thann. La descente est rapide, on se laisse porter pour profiter. 20 km ainsi c’est un bonheur absolu surtout quand la route rend bien.
Au milieu de la descente nous nous arrêtons à notre avant-dernier checkpoint : Monument National du Vieil-Armand dit de Hartmannswillerkopf. Km 80. 13H00. Le site est très vaste et aéré. Nous avançons à vélo sur cette belle esplanade jusqu’à l’entrée du Musée et plus loin derrière. Il s’agit d’un cimetière militaire de la guerre 14-18 ici dans le Haut-Rhin et fait partie des 4 monuments nationaux de cette guerre avec Douaumont (Meuse), Dormans (Marne) et Notre-Dame-De-Lorette (Pas de Calais). Site très original avec un musée et un autel de la Patrie tout en bronze surmontant le cimetière en contrebas. Portant les armoiries de grandes villes de France il rend bien hommage aux 25 000 morts ici-même entre 1914 et 1916.
Au km 100 la trace nous renvoie vers la montagne. On se demande pourquoi car il ne nous reste plus que 40 km et finir tranquillement jusqu’à Belfort aurait pu être une possibilité… Mais c’est la surprise du chef qui nous attend avec le col du Hundsruck. Pas très haut, 748 m, pas long, 6 km, mais avec de sacrées pentes par endroits, 13 puis 15%. Cela nous fait jeter nos dernières forces dans la bataille et l’arrivée au sommet est un moment de pause bien mérité !! Gunar atteint le sommet en même temps que nous, et on continuera un bout de chemin ensemble.
« Ça sent l’écurie » à partir de là… 35 km c’est si peu et pourtant ils seront longs. Alex et moi n’avons plus de jus. On traîne. Sur une côte à 2% je me surprends à rouler à combien ? 12 km/h 14 km/h max ? Bref, panne d’essence mais rien de grave la route est toute plate voire plutôt en pente douce. Nous traversons une forêt très agréable, il fait bon, peu de monde sur ces routes de campagne. Le vélo dans toute sa beauté !
Puis 16h22 Territoire de Belfort et enfin le Lion de Belfort ! Il est là, devant nous ! Nous avons réussi ! Avec nos barbes de 8 jours nous y voici.
Nous retrouvons Stéphane et d’autres rouleurs sur la place d’armes de Belfort. Une ou plusieurs tables (6 par table max, covid oblige) sont bloquées. Gunar arrive. Puis Clémence, Joël, Thierry, Alexandrine etc.
CP 22. Km 1750. Belfort. 16h55. La bière du finisher n’a jamais été aussi bonne !!
Les stats : 141 km. 2 536 m. 12h03 de vélo. 3h30 de pause.
Quantitatif : 1693 km, 18 631 m de dénivelé positif, 7 jours 10 heures 20 minutes. Et 23 cols.
Qualitatif : météo parfaite ! On a eu une sacrée chance car même le vent s’est apaisé cette semaine. Trajet vraiment très agréable. Peu de grosses villes à traverser avec ces zones commerciales ou industrielles déprimantes. Et dans les campagnes, hormis quelques portions longues et rectilignes, on ne peut surtout pas se plaindre.
Gravel or not Gravel : Nous avions décidé de prendre toutes les routes et chemins du programme. Nous les avons tous faits sauf une seule portion à la fin qui était vraiment très VTT avec des pierres vraiment tranchantes ; et je ne sais pas combien de kilomètres cumulés cela donne, je dirais 25 km donc très peu, mais il faut y être préparé. Mentalement et physiquement surtout avec ces kilos de bagages avec nous. Nous le savions donc aucun problème surtout que cela met un peu de distraction, surprise, sur la route. Mais il faut y être préparé !
Intérêt historique du circuit : une évidence, c’est une réussite. Nous avions tous un jour voulu aller visiter ces endroits, rouler sur certaines routes (Chemin des Dames, Ligne Maginot, Verdun, plages du débarquement de 1944 etc) et une excellente surprise avec Valmy ou Varennes. Ou même Craonne et Napoléon Ier. Sans parler de cette tanière du loup dont je n’avais jamais entendu parler.
Compagnons de route : excellents. Merci à Alex et Frédéric ! Et aux sympathiques rencontres de-ci de-là. Pascal, Gunar, Alexandrine, Thierry, Joël, Clémence…
Et maintenant : Rendez-vous l’an prochain sur « les chemins noirs » de Sylvain Tesson ? A vos lectures..
Nicolas HONORÉ, 10 juillet 2021.
PS : merci à Stéphane Gibon pour son road book et tous les détails historiques qu’il a relatés. Je m’en suis servi pour réviser notre Histoire de France et situer dans le temps, dans l’espace notre aventure. Bravo pour ton travail de qualité Stéphane !
PPS : Inutile d’emporter la batterie externe Garmin car le 1030+ tient largement une journée.
PPPS : Le radar arrière Varia Garmin tient une douzaine d’heures en mode radar clignotant. Très pratique pour surveiller et prévenir les voitures qui sont derrière nous. Bonne surprise. Un indispensable pour moi.
PPPPS : La trace GPS via la balise SpotGen4 est très efficace. Aucun problème d’autonomie avec les piles. A noter quand même le nombre de points qui est limité à 500. Il faudra que je me méfie car avec 500 points une trace de 1700 km en 8 jours ça ne tient pas. Réglages à modifier pour la prochaine fois.
PPPPPS : Il est primordial de tester l’ensemble de l’équipement avant le jour J. Et plutôt nettement avant le départ. Un ennui mécanique, un objet majeur qui manque ou autre, oui cela peut toujours arriver. Mais il faut anticiper et préparer au maximum. Personnellement cela m’aurait sûrement évité de galérer avec les craquements de mon vélo même si au final rien n’a cassé ! Big ouf !! Cela m’aurait aussi éviter d’emporter une lumière avant de fortune qui ne pouvait même pas se fixer sur mon vélo ! et cela aurait peut-être éviter à Alex de venir qu’avec un seul gant…
A noter que les personnes qui ont des freins à disque emportent généralement un jeu de plaquettes de rechange (ou les changent systématiquement avant le départ). Ça ne pèse rien et si le parcours cumule beaucoup de dénivelés, elles peuvent s’user plus rapidement que d’habitude.
PPPPPPS : L’équipement à emporter est un roman à lui seul. Il n’y a pas de liste idéale. Une littérature impressionnante existe sur ce sujet sur internet et Youtube. En plus c’est très personnel et varie en fonction de ce que vous pouvez supporter ou pas. Exemple me concernant :
Dans ce que j’avais emporté :
2 maillots d’été. J’aurai pu en emporter qu’un seul car j’ai pu faire quelques lessives certains soirs. Et la météo fut clémente…
Batterie externe pour charger GPS ou autre. Jamais servi mais j’ai une fois oublié de recharger mon téléphone. Je l’ai rechargé sur le vélo de Frédéric car je n’avais pas équipé mon vélo des câbles spécifiques de recharge…
Barres énergétiques. J’en consommais très peu. Une à deux par jour car nous nous sommes bien alimentés en s’arrêtant en route. J’avais quand même une petite sacoche de cadre remplie de noix de cajou, raisins secs, graines etc. Mais si notre but avait été d’aller vite, ces arrêts nous auraient handicapés sur le chrono. Pour rappel le temps de pause quotidien tournait autour de 3 heures.
PPPPPPPS : Nos montures.
Le Cannondale Synapse de Frédéric :
Cadre Carbone. Pneus GP5000 Tubeless 28 mm. Sacoches Apidura. Selle Prologo. Roues carbone artisanales Softwheel. GPS Garmin 530. Lumières AV Klamp EXR100, AR Cateye. 7 kilos de bagages.
Le Specialized Roubaix d’Alex :
Cadre carbone. Pneus à chambres 28 mm. Sacoche arrière Apidura, sacoche avant Acepak. GPS Garmin 1030+. Roues DT Swiss. Lumières AV et AR Décathlon. 4 kilos de bagages.
Le mien, FOCUS Cayo :
Cadre carbone. Pneus GP5000 à chambres 25 mm. Sacoche Tailfin. Prolongateurs Sonic Ergo35. Selle ISM. GPS Garmin 1030+. Roues carbone artisanales Softwheel. Lumière AV : aucune, AR : Radar Varia Garmin. 4.5 kilos de bagages.
Acte I/ Jour 2: Roméo et Juliette. Tragique dimanche du 8 août 2020.
Châtres-Sur-Cher Saint-Pourçain-Sur-Sioule. 342 km.
Le moment tragique, celui qui allait engendrer notre séparation, eut lieu 14 km au sud de Moulins et 13 km avant la fin de notre seconde étape. Nous avions alors déjà parcouru 564 km depuis la forêt de Rambouillet que nous avions quittée par un superbe après-midi d’été deux jours plus tôt. En pleine canicule, à 16H28 exactement puisque c’est cet horaire qui aura été consigné par ChilKoot, la compagnie des Pionniers, organisateur de la Born To Ride 2020 plus communément appelée BTR par chacun d’entre nous, nous les BTRistes donc.
Nous venions juste de faire une pause sur la terrasse du restaurant, fermé hélas, de Chemilly. Histoire de nous rafraîchir mais aussi de nous redonner courage sur cette interminable route qui depuis Moulins est une de ces routes que haïssent les cyclistes ; j’entends par là qu’elle est rectiligne, longue (30 km), fréquentée par toutes sortes de camions ou voitures même un dimanche en fin d’après-midi, monotone, vallonnée avec des rampes dont on ne voit pas la fin et où l’on ne se repose jamais. Patrick tirait le groupe de deux d’un bon rythme. Je suivais à bout de forces, en essayant de ne penser à rien. J’étais claqué. St-Pourçain-Sur-Sioule était pourtant là juste à quelques kilomètres mais ne voulait pas se rapprocher. L’Hôtel du Chêne vert y serait notre première halte pour passer une bonne nuit et boire autre chose que l’eau tiède de nos bidons…
Soudainement Patrick se déporte sur la droite. Quelque chose ne va pas. Il se gare. Je le suis, et nous posons nos vélos sur le grillage d’un jardin longeant la route. Un gentil Berger Allemand accoure nous dire bonjour à sa façon puis s’adoucit bien vite en voyant nos bonnes têtes de cyclistes inoffensifs et bien intentionnés.
« On a juste un problème de vélo Rintintin ! on s’arrête pour regarder si tu veux bien ».
« OK les amis » semble-t-il nous répondre avant de repartir vers sa couche à l’ombre.
Silence. Pause. Inspection. Quelques tours de clefs pour vérifier mais le verdict est immédiat.
« Boîtier de pédalier cassé » annonce gravement Patrick.
Cet axe qui relie les deux pédales est une pièce maîtresse et surtout indispensable. Rage ! Comment est-ce possible ? Surtout ici, maintenant, là ! Mais pourquoi moi ? Que va-t-on faire ?
Pour le moment, facile ! il n’y a qu’une seule chose à faire, c’est rejoindre St-Pourçain. Patrick arrive à pédaler en ne restant que sur le petit plateau et en changeant le moins possible de pignons à l’arrière. Ses deux plateaux, habituellement bien verticaux, se mettent à onduler de gauche à droite. Ne pas forcer. Serrer les fesses et rentrer.
L’Hôtel se pointe. On y est. Vite attablés et entourés de nos vélos nous cherchons comment aborder la suite du programme avec chacun une pinte de Pelfort ou de Blanche qui saura irriguer nos neurones. Nous sommes dimanche soir. Réparer nous-mêmes ? c’est impossible. Demain, comble de malchance, c’est lundi. Et lundi le vélociste de St-Pourçain est fermé. Celui de Moulins aussi. Nous tentons le joker « j’appelle un ami » pour annoncer puis réfléchir avec Jean-Baptiste (BTRiste à l’épaule cassée qui fait donc la BTR depuis chez lui hélas). Il trouve un vélociste à Vichy. Vichy c’est mieux car au sud et donc pas loin de notre itinéraire. Et il ouvre à 8h30.
Une heure plus tard, toujours depuis la terrasse de l’hôtel tout en dînant et en nous réhydratant sérieusement, le plan de bataille est arrêté :
7h45 : départ de Patrick en taxi pour rejoindre Vichy.
Cas 1 : Il arrive à réparer vite fait ; Patrick reprend l’itinéraire pour me rejoindre.
Cas 2 : Il répare mais met du temps ; Patrick perd une journée mais repartira plus tard quitte à arriver hors délais, pas grave.
Cas 3 : Il ne peut pas réparer ; no choice, retour à Paris en train depuis Vichy.
Quant à moi, après plusieurs hésitations et réflexions partagées, je décide de continuer la route seul. Rester avec Patrick n’aurait aidé en rien à faire réparer plus vite. Il faut qu’au moins un de nous deux tente et parvienne à faire cette BTR dans les délais ! Il faut dire que nous étions 5 du club de Neuilly à s’être inscrits : Alex, Frédéric, Jean-Baptiste, Patrick et moi-même.
Alex et Frédéric étaient disponibles pour la date originelle de juin mais pas pour août quand, pour cause de Covid, ChilKoot a décalé de deux mois l’épreuve.
Jean-Baptiste roi de la longue distance s’est cassé l’épaule 3 semaines avant le départ. Opéré une semaine plus tard il n’a pu se joindre à nous.
Restaient donc Patrick et moi.
Lundi je me levai donc à 4 heures pour partir dans la foulée. Je sentis Patrick réveillé, éveillé et triste mais j’avais bon espoir de le revoir bientôt; et au plus tard à l’arrivée où nous avions prévu une journée entière sur place à St-Lary-Soulan pour récupérer et savourer.
Quelques heures plus tard, le vélociste qui pourtant était fermé, ouvrit sa boutique, et s’affaira autour du malade avec intérêt. Mais il n’arriva jamais à dévisser le boîtier. Patrick dû se résigner à prendre le train pour Paris, très déçu avec un mystère à résoudre, mais encore plus motivé pour la BTR 2021. Et je roulerai donc seul dorénavant.
Acte II/Jour 1. Prologue et flash-back. Vendredi 7 août. Les puces sont toutes excitées.
Rambouillet Châtres-Sur-Cher. 236 km.
La BTR qu’est-ce ? C’est un événement vélo de Long Distance, en autonomie complète, avec 1200 km et 14400 m de dénivelé positif depuis Rambouillet jusque dans les Pyrénées. Tout est résumé ici http://chilkoot-cdp.com/project/btr-2020/ .
Mais pour que cela soit plus amusant il y a 4 Checks Points à atteindre à chaque fois avant un horaire maximal, et l’arrivée, le dernier, le CP5 donc, sera à atteindre en moins de 5 jours, c’est-à-dire en partant vendredi soir, avant mercredi 22h45.
Le départ est annoncé à 22 heures pour ce vendredi 7 août depuis la forêt de Rambouillet. Nous devrions être plus de 300. On roulera de nuit donc. Avec des départs par vagues tous les quarts d’heure autour de 22h00.
Ça, c’est ce qui était prévu ! Mais avec le Covid l’organisation nous a offert 8 heures de délais supplémentaires et chacun peut partir quand il veut à partir de 14 heures. On a donc 5 jours et 8 heures maximum pour réussir.
Excités comme des puces nous décidons de décoller vers 16/17 heures. Isabel nous a déposés sur le lieu de rassemblement. C’est une clairière entre soleil et ombres. On nous remet notre dotation, à savoir un brassard numéroté, un écusson BTR 2020, un décapsuleur, un bidon et le fameux passeport ChilKoot qui servira pour tamponner chacun des CPs.
Photo souvenir. Re photo souvenir. Vélos prêts; bonshommes, de même. Ca y est! En route! On tourne à droite direction les Pyrénées, c’est juste là-bas devant, au loin… La balise GPS permettant de nous suivre en temps réel est activée. Le WhatsApp Born To Ride pour partager quelques moments et recevoir des encouragements de nos familles et amis est en ligne ! Il ne peut rien nous arriver, par Toutatis !
ChilKoot propose un itinéraire et des traces GPS mais nous avons opté pour notre propre itinéraire. Il sera un peu plus long mais aussi avec un peu moins de dénivelé. Espérons que cela soit payant. Une trace de 1200 km sans erreurs ni surprises ce serait étonnant… mais une chose à la fois.
Pendant 100 km la température ne passe pas en dessous de 30 degrés. On tape même les 41 degrés en pleine Beauce. Il faut dire que l’itinéraire ne peut pas éviter cette zone. Le soleil tape bien fort sur les pailles de blé, quelques rares lièvres sortent de leur gîte. Nous roulons Sud-Ouest, nous traversons Maintenon, nous contournons Chartres et première pause à Illiers-Combray, km 70, où nous avons prévu de prendre un dîner avant d’affronter la nuit le ventre bien plein. Nous y retrouvons avec plaisir d’autres BTRistes. Chacun est enthousiaste. Nous comparons nos équipements, nos sacs, nos lampes, bref on s’autorise à parler vélo. Il fait (très ! trop ?) beau et ça roule bien. Nous nous relayons avec Patrick ; aucun objectif de vitesse mais Patrick a des pattes de lièvres, ça se voit. Ça se sent. L’entraînement a payé.
Il reste 100 km avant le premier Check Point. Cap Sud-Ouest encore. La nuit s’approche et vers 22 heures nous basculons en mode Lumières Toutes ! Les routes de campagne sont désertes, la chaleur commence à baisser jusque 25 degrés, cela devient bien plus agréable. Il y a parfois certains courants d’air chaud qui succèdent à des passages plus frais, notamment le long des cours d’eau ou en fond de vallée. Très étonnant. Nous pouvons rouler de front sans gêner personne. Nous roulons toute la nuit, habillés d’un maillot court. Quel bonheur !
Le CP1 est en pleine forêt. C’est le thème de cette BTR : des forêts, des forêts… Nous pointons nos passeports en Sarthe dans la forêt de Bercé. Il est 2h03. De nombreux cyclistes sont déjà là. Certains dorment par terre. D’autres arrivent ou repartent. Nous discutons un moment avec quelques organisateurs et même avec un couple de « civils », garés ici avec leur Mobile Home et qui nous expliquent qu’ils font “la logistique pour un des participants” (sic!).
Nous repartons avec comme objectif de trouver un endroit tranquille pour manger. Et pour reprendre des forces car je commence à faiblir. Cela fait 5 heures que nous n’avons pas fait de pause et rouler le ventre vide ne serait pas une bonne idée. D’autant plus qu’on a emmené avec nous du taboulé… Ça prend de la place dans nos bagages et ce sera finalement à Jupilles, juste devant la mairie, sous quelques réverbères, que nous ferons halte. 20 minutes d’arrêt, tout le monde descend, on ingurgite du solide et du liquide. La météo est toujours aussi agréable.
Nous partageons cet instant via le WhatsApp du groupe d’amis/famille. Photo souvenir. Il est 2H30. Surprise ! Alex et José sont toujours debout. Ils nous répondent et nous encouragent. « Allez Nico », « C’est normal que ce soit dur à cet instant. Courage, ça va passer » ! Amusant et sympathiques sensations de se sentir épaulés ainsi. Merci les amis !
Il reste néanmoins 160 km à parcourir jusqu’à Châtres-Sur-Cher fin de la première étape. Nous repartons. Sur la droite un cycliste est arrêté, penché sur sa roue avant. Vu son équipement, c’est un des nôtres ! Arrivés à sa hauteur nous ralentissons et lui demandons si tout va bien.
Problème électrique. Le fil qui relie la dynamo à mon chargeur de GPS est déconnecté, cassé.
Besoin d’aide ?
Oui je ne sais pas comment faire.
Et avec une cuillère ou la tranche d’une fourchette en plastique il essaie de dénuder un fil électrique. D’autres cyclistes s’arrêtent aussi. Certains repartent. D’autres viennent aider. C’est écrit dans le règlement. Article 8 : « Tout cycliste qui serait conduit à doubler/rencontrer un autre cycliste victime d’une difficulté … doit lui porter assistance ». Plutôt clair non ?
Et en plus cela me permet de me reposer car Patrick est en forme olympique. Faut le suivre…
Je propose de sortir mon couteau suisse que malgré ses 94 grammes j’ai emmené. On ne sait jamais… et effectivement ça va beaucoup mieux ; fil dénudé, recâblé, ça remarche. Une petite victoire dans cette nuit noire !
C’est reparti. Je roule derrière Patrick qui vient à ma hauteur.
J’ai l’impression que tu t’endors. Je vois ta lumière devant moi qui va de gauche à droite en permanence.
C’est vrai que je baille souvent. Mais ça va.
Je te propose qu’on dorme un peu dès qu’on trouve un bon endroit.
Bonne idée oui.
Et arrivés à Montoire-Sur-Le-Loir sur la place centrale, un superbe kiosque à musique semble nous tendre les bras. C’est l’endroit idéal ; sans même nous concerter on y va. On monte les vélos en haut de la petite dizaine de marches. Le sol est encore chaud de la journée. Je pose mes gants derrière la tête. Cela fait un oreiller du tonnerre. Il est 5 heures. Nous nous allongeons sur le dos, chacun à côté de son vélo, les mains le long du corps, paumes tournées vers le ciel, pieds à 10 heures 10. La chaleur du sol fait du bien le long du dos. Doit-on enlever nos chaussures ? Pas le temps d’y répondre car en cinq secondes nous sommes endormis.
Nous sommes réveillés à 6 heures par le marché qui s’installe. La place se réveille. Nous avons dormi comme des princes. Quelle superbe expérience ! A refaire. Tout en rangeant nos affaires, Patrick me raconte que Montoire-Sur-Le-Loir est connue pour la rencontre entre Pétain et Hitler durant la seconde guerre mondiale. Quand l’Histoire nous rejoint…
Nous repartons ensuite tranquillement. Les châteaux de la Loire ne sont pas loin. Blois. Chambord. Villesavin. Cheverny. Nous les longeons sans pouvoir tous les apercevoir. Nous sommes en pleine Sologne. Et enfin après 341 km, Châtres-Sur-Cher est là. Il est 13h30.
Nous y avons réservé une chambre. En attendant que nos hôtes soient disponibles nous allons célébrer cette première étape avec une pinte de 1947. Puis déjeuner au bar de la plage le long du Cher. Nous récupérons l’après-midi et prévoyons de partir le lendemain à 7 heures. Direction St-Pourçain-Sur-Sioule.
Acte III/Jour 2. Le grand sommeil. Dimanche 9 août.
Châtres-Sur-Cher Saint-Pourçain-Sur-Sioule. 246 km.
Le CP2 sera à 115 km du départ et à atteindre avant 13h45. Le parcours est superbe. Petites routes de campagne à travers les plaines de céréales battues. Peu de trafic. Nous roulons en relais ou à deux de front. Il fait de plus en plus chaud ; la canicule est repartie et le traditionnel sandwich jambon emmental beure de midi à La Charité-Sur-Loire à l’ombre, fait un bien énorme. Avec un litre de Badoit et de Coca en plus, encore mieux. Et c’est sans soucis que nous atteignons le Cp2 à 12h45 en pleine forêt. Il n’y a personne mais grâce à l’application fournie par ChilKoot nous pouvons nous géolocaliser et horodater notre présence pour valider le Cp2.
L’après-midi sera plus difficile. La température monte de plus en plus. Nous sommes constamment autour de 35 degrés et fleurtons à nouveau avec les 40 degrés. Est-ce que notre stratégie est la bonne ? Pas sûr ! Certains ont tout misé sur les trajets de nuit avec repos l’après-midi. A retenir car cela semble être payant.
Nous prenons la route vers Nevers. Pèlerinage devant l’usine LOOK de Nevers (Patrick a un vélo Look !). Arrêt buvette au Café Vélo de Nevers où une pompe est disponible pour redonner un peu de souffle à nos pneus; à nouveau un litre de Badoit et quelques Oranginas nous redonnent des forces.
Puis direction Moulins. La campagne est superbe. Mais mine de rien le profil de cette étape est un continuel faut-plat montant qui use. Nous avons roulé environ 200 km, il en reste 40. Soudainement, comme pour me sortir de cet état d’engourdissement qui me prend petit à petit, mon sac arrière se décroche et tombe sur la route. Je pousse un cri ; Patrick croit à une chute et stoppe net. Nous analysons les causes de ce décrochage. L’attache autour de la tige de selle s’est ouverte. Comment est-ce possible ? Ce sac Tailfin est vendu comme pouvant être à toute épreuve, même en VTT ou Gravel. Désormais je sécuriserai avec une sangle le mécanisme d’accrochage. Je ne le sais pas encore, mais l’armature interne en aluminium au fond du sac est en train de se casser. Je l’apprendrai à mes dépends dans quelques jours.
Acte IV/Jour 3. Le jour le plus long. Lundi 10 août.
Saint-Pourçain-Sur-Sioule Raulhac. 245 km.
Ce lundi, 3500 m de dénivelé prévus pour 245 km avec 3 cols en fin de parcours. C’est l’étape la plus difficile car on va aborder le massif central et grimper vers le Cantal. Une étape de toute beauté pour Patrick en théorie mais il a dû repartir pour Paris. Avec un boîtier de pédalier cassé et une crevaison pour couronner le tout à Vichy en attendant son train.
De mon côté j’ai bien récupéré et je suis en forme. Départ 5 heures. Heureusement car dès 10 heures les températures dépassent 30 degrés et les traversées de Riom ou les abords, très urbanisés, de Clermont-Ferrand sont pénibles. Puis on attaque de longues rampes raides en plein désert auvergnat. Je longe cette belle autoroute qui mène jusqu’au pont de Millau si on la continue. Sur mon chemin il n’y a personne hormis certains tracteurs qui me croisent ou me doublent. Dans les villages tous les volets sont fermés. Est-ce à cause des vacances ? ou plus sûrement pour couper court à la chaleur ?! Puis vers 16 heures je vois au loin les nuages se noircir. Oui il pleut sur ma droite et cela se rapproche. Le vent s’y met aussi. Puis d’un seul coup c’est la pluie et le vent. Je m’arrête pour revêtir ma veste de pluie. Moment délicat où sur mes bras chauds et couverts de crème solaire je dois enfiler cette veste.
J’ai les yeux rivés sur mon GPS. Le CP3 doit être atteint avant 20h45 mais en montagne et avec les 2 cols juste avant le CP3 je doute de mes calculs. Une chose est sûre, je ne serai jamais à l’hôtel pour 19H00 comme prévu. Je profite d’un arrêt cimetière pour faire le plein d’eau et appeler l’hôtel. Je lui indique que j’arriverai vers 21H00.
Puis je repars mains en bas sur le guidon ou en permanence sur mes prolongateurs. Cette position me permet d’avancer bien plus vite et je vois à nouveau les kilomètres défiler. J’arrive à Murat sous la pluie et au frais. J’ai parcouru 190 km, le CP3 est dans 10 km, il est 17H00. Je reprends confiance dans mes calculs, les encouragements sur le WhatsApp que je lis en temps réel sur mon GPS me font sourire et m’aident à avancer. Il y a de bonnes réparties sur ce WhatsApp…
La forêt de Murat, c’est-à-dire le CP3, est bientôt là. Et même si son ascension sur une route étroite, sale, mouillée, couverte d’aiguilles de pins et raide est lente, j’arrive heureux au CP. Une tente est plantée par ChilKoot sur un terrain détrempé. Thé, pâté, fromage de Cantal, pain de campagne ça fait du bien même si c’est un peu ric rac comme ravito. Je retrouve certains BTRistes qu’on avait croisés et dépannés avec Patrick. Il me reste 50 km de montagne, il est 18 heures, « va pas falloir traîner Nico ! ». Je mets mes manchettes et un foulard car il fait maintenant 15 degrés et les routes sont détrempées. Après la descente post CP, virage à droite en épingle et à nouveau un col à franchir. Dès le départ on monte sur du 8%. Le vélo est lourd, 14 kilos, et il faut relancer le tout debout sur les pédales. Direction le Col de Prat de Bouc à 1400 m. Lente ascension. La forme est là, je roule facile et j’atteins le sommet à 19h00. Il me reste 40 km. Je roule dorénavant sur des plateaux du Cantal mais qui me rappellent l’Aubrac tellement je vois de vaches du même nom. Laguiole n’est pas loin paraît-il.Je roule avec plusieurs cyclistes de la BTR. Je ne sais pas où ils vont mais nous nous croisons, doublons et certains comme moi font quelques photos tellement cet endroit est magique. Et ces vaches d’Aubrac, si spécifiques avec leurs yeux entourés de noir. Comme du maquillage.
Vers 20 heures, le ciel déjà humide devient à nouveau de plus en plus noir. L’orage se fait entendre au loin. Je compte les secondes, il se rapproche. De superbes éclairs éclatent aux alentours et une pluie battante nous tombe dessus. J’allume ma lumière avant. Voir la pluie briller dans le faisceau de ma lampe est d’une certaine poésie parfois. Cela me fait sourire mais je n’aime pas cette ambiance. Les éclairs claquent autour de moi et me rappellent une traversée des Pyrénées il y a quelques années dans le col de l’Aubisque. Que faire ? M’arrêter pour m’abriter je ne sais où ? Continuer en surveillant les éclairs ? Je me dis que je n’ai pas le choix, je ne veux pas dormir à la belle étoile. Je fonce. Heureusement les 20 derniers kilomètres sont plutôt en décente et me voilà vite à 3, 2 puis 1 km de Raulhac. C’est mon objectif. J’y arrive enfin. Le restau de l’hôtel ferme bientôt, il est 21 heures passées. Sans même me doucher ni me changer je commande une pinte de Paulaner et une pizza. Et un litre de San Pellegrino. J’y suis ! Repos jusque demain 4 heures. Surtout ne pas oublier de remettre un peu d’huile sur la chaîne, – avisé conseil de Patrick hier soir via WhatsApp – avec toute cette pluie le vélo a bien souffert. Il sèche dans le garage de l’hôtel. Et moi je m’endors vers minuit épuisé.
Acte V/Jour 4. La galère et son galérien. Mardi 11 août.
Raulhac – Villemur-Sur-Tarn.
Ce mardi doit être plus facile a priori. 223 km pour 2700 m de dénivelé avec le CP4 à 181 km à atteindre avant 16h45. Je me fixe 16h00 comme objectif max. Et surtout ça devrait plutôt descendre vu qu’on va quitter le massif central en direction de l’Est de Toulouse.
Le départ de l’hôtel de Raulhac dans la nuit noire est plaisant. Itinéraire en descente ou plutôt plat. Il semble que de nombreux cyclistes aient logé par ici car dès que je traverse un village j’en rencontre plusieurs. Qui vont vite car me redoublent aussitôt avec le style caractéristique de ces riders de la BTR. A savoir penchés sur l’avant, gilet jaune fluo sur le dos, sacoches de selle ou de cadre bien compactes, lumières avant et arrières en marche. Certains ont gardé leur brassard au bras gauche – article 1 du règlement ! – ou sur leurs prolongateurs. D’autres comme moi l’ont remisé au fond du sac car cela donne trop chaud. Mais en tout cas tous vont à bonne allure et tracent la route en moulinant.
Pendant une trentaine de kilomètres, plaisir total. Le jour va se lever petit à petit, nous sommes encore sur le plateau aux alentours de 800 m d’altitude et il fait frais. Mur-De-Barrez, Lacroix-Barrez, et au fond de la vallée coule la Truyère qui se jette un peu plus bas dans le Lot avec de nombreux barrages; les nuages sont en bas, c’est calme comme tout. Puis à Couesques-Basse ma trace me fait virer vers la droite sur un raidillon brutal. Gravillons en pagaille et après 200 m d’ascension la roue avant se bloque une fois de plus. Je m’arrête, fait vibrer la roue et les cailloux coincés entre l’étrier de frein et le pneu sont éjectés. Je repars. Bis repetita. Trois fois de suite car le revêtement est trop mauvais, trop rugueux. Je décide de poser le vélo, démonte la roue avant et essaie de limer, nettoyer comme je peux cet interstice de même pas 2 mm qui bloque en permanence. J’ai mis des pneus de 28 mm pour avoir plus de confort mais il s’avère que ce n’est pas une bonne idée sur ce vélo. Je vais devoir changer à mon retour. Pour le moment pas d’autres solutions que de m’arrêter à chaque fois, de nettoyer et de repartir. Il faudra surtout faire attention à éviter toute sorte de route gravillonnée….
L’ascension est de toute beauté mais raide. La route serpente parmi les sapins, les épicéas et les alpages vers la fin. Quelques maisons et fermes sont même établies. Comment peut-on vivre par ici ? C’est le désert absolu en matière de commerces et le moindre kilomètre à parcourir équivaut à cinq ! Une heure plus tard j’ai accompli les 10 kilomètres jusqu’au sommet où m’accueille un troupeau de Salers et de Limousines. Ça y est, je suis bien réchauffé. Je prends un autre coup de chaleur en voyant où m’envoie ma trace GPS : en plein sentier forestier non praticable ! Encore une fois la trace est à côté de la plaque. Cela nous arrivé à deux reprises avec Patrick. Détours de plusieurs kilomètres une fois de plus à gérer. J’espère surtout que je ne vais pas devoir redescendre tout ce que je viens de faire… Je trouve un itinéraire parallèle, fort heureusement tout en descente et je rejoins le fond de la vallée de l’autre côté. Ce n’est plus la Truyère que je vais longer mais maintenant le Lot.
Petite frayeur dans la descente car j’entends quelque chose qui tombe et rebondit sur la route derrière moi. C’est mon feu arrière Garmin Varia qui s’est décroché. Je freine en urgence et remonte en sens inverse, avant qu’une hypothétique voiture ou un tracteur ne vienne l’achever… Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé. Prudence oblige, j’opte pour une solution radicale : je range mon feu/radar dans le sac et attache ma lumière arrière de secours à la place, un peu plus haut sur le sac. Il s’agit en fait de la seconde fois (il y a 2 jours c’était avec Patrick quand il s’est décroché à Moulins) que mon sac me lance des alertes. La prochaine fois ce sera moins fun, je ne le sais pas encore, pour le moment « Roule Roule ! ».
D’ailleurs je bute fort durant cette journée. L’eau dans mes bidons se réchauffe immédiatement et je suis contraint de m’arrêter souvent pour refaire le plein. Soit dans des cimetières, soit dans des boulangeries que je surveille à l’orée de chaque village La route est superbe, très tranquille, plutôt plate mais je n’avance pas. Je commence à douter pour le CP4. Il est midi passé et il me reste 60 km à parcourir sachant que je sais que cela va monter juste avant le CP. C’est une des caractéristiques de ces CPs ; ils sont toujours bien cachés là-haut et bien défendus par une route sur laquelle on ne peut pas avancer vite. Je partage mes doutes depuis un cimetière-oasis sur le WhatsApp et je reçois en retour de multiples encouragements. Il est clair que ma marge est bien grignotée, je visais 16 heures au CP, je n’y arriverai pas.
Ça fait du bien et je poursuis dorénavant mon chemin le long du Lot. C’est plat ; j’avale les kilomètres non loin de Figeac puis je quitte le Lot vers le Sud pour rouler vers Villeneuve et Villefranche-De-Rouergue avant, enfin, de parvenir dans la forêt de Grésigne pour toper le CP4 après une difficile ascension en pleine canicule. 7 km d’ascension raide où je suis d’abord doublé par un groupe de quatre BTRistes. Je ferai le yo-yo avec eux toute la journée et même le lendemain. Chacun son rythme mais apparemment nous avons presque le même itinéraire. Nous arrivons tous ensemble au CP4. Il est 16H10. Géolocalisation activée, enregistrement sur le logiciel de suivi de ChilKoot et je vais pouvoir repartir.
Nous sommes une petite dizaine de cyclistes à ce CP. Chacun essaie de se mettre à l’ombre. Je rencontre Julien GABET jeune BTRiste qui a enchaîné les étapes en dormant exclusivement à la belle étoile. Autre stratégie et qui aura bien fonctionné. Il me reste encore 50 km pour rejoindre Villemur-Sur-Tarn avant-dernière étape de notre BTR. Je prévois d’y être pour 20 heures et appelle l’hôtel pour les tenir informés.
Le reste du voyage est pénible. Je n’arrive plus à trouver assez de cimetières pour de l’eau fraîche. Il fait plus de 35 degrés en permanence. Je suis même obligée de sonner à la porte d’une maison pour demander s’ils peuvent remplir mes bidons. Je suis rejoins par 4 autres BTRistes dont 2 que nous avions croisé avec Patrick lors de l’incident d’un cycliste sur son chargeur de GPS. Une personne sort de chez elle et nous oriente vers une fontaine locale. Nous repartons de plus belle et nos routes divergent rapidement. Trente minutes plus tard mes bidons sont déjà chauds. Faut-il emporter des bidons isothermes ? Je me poserai souvent cette question… Je croise vers 17/18 heures une boutique de produits locaux et bios. A l’intérieur la climatisation fonctionne et je récupère en buvant 2 limonades artisanales excellentes. La première au citron vert et la seconde, nature. Je discute avec celle qui officie et me raconte que je ne suis pas le premier de la BTR à faire une pause ici. On parle donc vélo, BTR etc et me propose même de rester ici au frais jusqu’à la fermeture tellement il fait chaud dehors. Tentant mais impossible. Je repars avec un faux rythme ; je me distrais les pensées en admirant tous ces champs de tournesols. Si après Paris on voyait des champs de blé (ou d’orge) battus, à perte de vue, depuis quelques jours ce sont les tournesols qui prédominent. Je n’en avais jamais vu autant. Je ne savais pas qu’on en cultivait à ce point en France.
Les douze derniers kilomètres sont en descente. Je me dis à cette occasion que c’est une bonne idée de terminer un itinéraire en descente. Cela fait arriver le sourire aux lèvres à destination ! A garder en mémoire !
Il est 19 heures, j’arrive à l’hôtel L’Alcôve, très bel endroit pour une pinte de Stella et en jetant un coup d’oeil sur la carte du restaurant je me dis que je vais rester sage mais me régaler ce soir au dîner ! Merci Patrick pour cette réservation.
Et demain ce sera la der des ders. On va y arriver !
Acte VI/Jour 5. Délivrance. Mais la fin ? À voir… Mercredi 12 août.
Villemur-Sur-Tarn Col d’Aragnouet.
Je deviens un habitué des départs à 5 heures. D’ailleurs pourquoi pas partir encore plus tôt, 2, 3 ou 4 heures ? A réfléchir pour la suite… Pour le moment, il fait frais, et même très frais quand je me fais arroser par ces gigantesques lances à eau pour arroser les champs de maïs. C’est la petite surprise du matin ! Je me suis fait avoir! No worries sécherai bien vite en roulant.
Je m’arrête au bout d’une heure pour regonfler mes pneus. Avec l’étape d’hier j’aurai dû y penser à l’hôtel. Au moment de dévisser la valve sur mon pneu arrière, celle-ci me reste dans la main. Elle est éjectée par la pression et en 3 secondes mon pneu est à plat. « Qu’est-ce que c’est que cette connerie ? ». Tout en pestant contre ce système, je me rappelle en avoir discuté avec d’autres. J’ai en fait une valve rallongée car j’ai des jantes hautes de 50 mm et donc un obus démontable à l’extrémité. Obus qui s’est dévissé en même temps que le capuchon… Mais pourquoi avoir installé un tel truc ?! Je remets le tout, je ne revisse surtout pas le capuchon et regonfle avec ma pompe à main. Pas garanti que j’arrive à mettre les 7 bars de pression… Et surtout, dès que c’est fini je change de chambre à air !
Après cette petite anecdote je suis bien réchauffé et je repars. Aujourd’hui direction les Pyrénées en longeant pendant des kilomètres des rivières dont je n’avais jamais entendu parler : la Save, la Gesse et la Neste aux pieds des Pyrénées. L’avantage c’est que c’est quasiment plat, voire légèrement en montant avec 1 ou 2% de pente maximale et cela roule tout seul. Je traverse à bonne allure Saint-Paul-Sur-Save, L’isle-Jourdain, Samatan, Boulogne-Sur-Gesse, Villeneuve-Lécussan c’est-à-dire des villes que je ne connais pas non plus. A 13 heures j’ai fait 130 km, il fait encore bien chaud (34 degrés) et il me reste 72 km avant le CP5 qui est en fait l’arrivée. Ça se passe bien mais surtout la pente augmente. C’est maintenant un faux plat montant qui se redresse de plus en plus et surtout à partir de Arreau, signe qu’on est bien dans les Pyrénées là.
Je commence à croiser les premiers BTRistes qui ont déjà terminé et qui sont sur le retour. A vélo ils repartent vers Tarbes j’imagine. Je prends une pause et continue à m’alimenter de barres énergétiques à chaque heure. J’ai programmé mon GPS en ce sens car je ne veux pas de fringale ou perte de jus dans l’ascension finale. C’est d’ailleurs ce qui m’est le plus souvent conseillé dans le WhatsApp : « mange bien, bois et mange régulièrement, pédale, bois, pédale, mange, pédale », que des bons conseils ! Merci.
J’arrive enfin à St-Lary-Soulan ; Je sais qu’à partir d’ici il me reste 20 kms. Vue la pente moyenne de 5% avec des raidillons au-delà de 10%, je pense mettre 3 heures. Il est 15h40, les 10 premiers kilomètres passent très vite, je suis dans une forme épatante, je m’étonne moi-même et mets moins d’une heure. La pente est moins raide c’est vrai, ça me convient, impeccable ! Je roule avec d’autres BTRistes. On se double. On se croise avec ceux qui ont terminé et qui nous lancent un « Bravo ! Allez, c’est bientôt fini ». Mais personne ne dit combien de kilomètres il reste, histoire de ne pas décourager… Et à partir du km 11 ça change. La pente passe à 10% sur de longues portions pour s’adoucir à 7 ou 8%. Là, ça freine. Mais j’avance et les nuages aussi par derrière. Il se met à pleuvoir. Je ferai les 4 derniers kilomètres sous la pluie. Les 2 derniers kilomètres sont une succession régulière de lacets superbes. Une petite impression de Stelvio que je partage avec un autre cycliste qui a fait le repérage de la BTR. Il me dit qu’une fois dans ces lacets c’est fini. Ils ne sont pas raides, 7 à 9 % max et c’est gagné.
Puis le sommet est enfin là. Une toute petite bosse avec un replat pour se poser et savourer. La pluie s’est arrêtée. Il fait bon et frais. Un petit kilomètre à descendre sur l’autre versant et j’arrive au CP de la forêt d’Aragnouet. Chaque arrivant est applaudi. Sympathique ambiance. Je peux poser le pied par terre et loggé mon temps.
Victoire ! 5 jours 1 heure et 34 minutes pour faire 1250 km et 13000 m de dénivelé. Et 19 heures de sommeil.
J’ai le droit à la bière du finisher offerte par ChilKoot. Elle est courte mais qu’est-ce qu’elle est savoureuse…
Je discute avec Luc Royer pour partager mes impressions de cette première fois. Il me conseille de lire « Voyage en Italie » de Jean Giono car ce sera le thème et la route de la BTR2021… A suivre !!
Je revois aussi Julien G que j’avais entrevu au CP4 avec son beau vélo, très léger et monté par lui-même. Après quelques tartines et bières il me demande quel est mon plan pour la suite. Je dors à St-Lary-Soulan et toi ? Rien de prévu. Donc c’est décidé il ira aussi à St Lary. Nous dînerons ensemble le soir, cela nous permettra de parler vélo et BTR jusqu’à plus soif. Le lendemain il repart dans sa famille ; quant à moi je reste une journée pleine à St-Lary-Soulan histoire de récupérer et de savourer sur place. Le départ ce sera vendredi matin. En vélo jusque Lannemezan puis train jusque Toulouse et un autre jusque Limoges où Isabel ma femme viendra me récupérer. La seconde partie de nos vacances pourra alors commencer.
Avec un peu de vélo aussi quand même…
Acte final/Jour 7. Ciel ! Merci ! Stress final !!
St-Lary-Soulan Lannemezan Limoges Blavepeyre.
44 km en descente ou presque car je suis obligé de remonter à St-Lary pour aller récupérer chez Intersport mon micro antivol que j’ai laissé sur place. 10 km aller/retour ce n’est pas la mer à boire ! Sympathique personnel du magasin qui m’avait rappelé la veille pour me le signaler. Merci à eux !
Mon train part de Lannemezan à 11h10 donc j’ai largement le temps d’y descendre à vélo sans me presser. La route n’est pas très plaisante mais je suis sûr que je vais la savourer. Et c’est le cas jusqu’au km 13 à Ancizan.
A l’entrée du village, d’un seul coup une roue se bloque. Je glisse et pars en dérapage. Je freine d’urgence des 2 freins pour me stopper au plus vite, ne sachant ce qu’il se passe. J’imagine que c’est encore ma roue avant qui est coincée par un caillou ; mais cette fois le blocage est beaucoup plus brutal. Je manque de tomber et fonce sur le trottoir. Une fois à l’arrêt je constate une longue bande de freinage sur la route. J’ai serré ma roue et laissé de la gomme sur une sacrée distance.
J’observe ma roue avant qui tourne librement et sans aucun problème. En revanche à l’arrière c’est une autre histoire. Mon sac est complètement tombé vers l’arrière et posé, collé sur la roue. Je le relève pour le remettre en place mais ce n’est pas possible. Il est plié en deux, il n’a plus aucune tenue, plus aucune armature interne pour le maintenir rigide à l’horizontal au-dessus de la roue arrière. C’est ce qui a bloqué ma roue et provoqué ensuite ces traces de freinage. Et en faisant tourner la roue arrière je vois que le pneu est très détérioré sur 6 à 7 cm. On y voit nettement l’armature interne du pneu…
J’ai deux problèmes à résoudre. Et vite.
1) le sac ne tient plus sur son porte-bagages
2) le pneu est mort.
Il me reste 30 km c’est-à-dire une heure de route environ et 1 h 30 de délai pour le train.
Je suis fort heureusement arrêté à 50 mètres d’un garage automobile où je demande aide et conseils. Avec le garagiste qui se rend immédiatement disponible (Bravo et merci !!) nous cherchons un moyen pour attacher le sac. Et il me dit « vous savez dans un garage il n’y a ni ficelles ni fil de fer »… Ha bon ! (mais bonne remarque non ?) Quant au pneu, il me dit de le changer car il risque de flancher à tout instant. Mais je n’ai pas de pneu de rechange et rentrer dans cette opération, même en mettant une bande de caoutchouc (que j’ai) temporaire, me prendrait trop de temps.
Je lui demande alors s’il a un tendeur à me donner. On en trouve un et cela me permet d’attacher mon sac sur mon guidon autour de mes prolongateurs. C’est parfait ! Je roulerai avec un beau bébé à l’avant désormais. Pas plus compliqué !
Et pour le pneu ? Prier et serrer les fesses, voilà ce que je vais faire pendant une heure et trente kilomètres en espérant qu’il n’explose pas carrément…
Finalement tout se passera bien. Certes je vais une fois de plus bloquer ma roue avant et sursauter de frayeur une dernière fois mais non, tout ira bien et j’arrive avec 20 minutes d’avance sur mon train… Quelle chance j’ai eue !
Merci le Ciel ! Ou encore, Ciel ! Merci !
Nicolas Honoré
Août 2020
Post-Scriptum.
PS 1 : Les bidons.
Les bidons. 2 c’est indispensable. L’un à l’eau claire, l’autre avec des vitamines, des oligo-éléments ou anti-crampes. Mais en avoir un isotherme ? est-ce utile ? est-ce efficace ?
PS 2 : Une autre solution.
Pour Patrick et son vélo hors service : Yves, du club de vélo CCME de la Creuse, me proposa par la suite une solution qu’on aurait pu mettre en œuvre. Il aurait été prêt à aller jusque St-Pourçain-Sur-Sioule pour lui apporter son vélo (ils ont la même taille environ). Patrick aurait pu continuer avec un vélo de prêt donc ; puis revenir avec moi jusqu’en Creuse post BTR ; et repartir à Paris avec son vélo ensuite dans le train. Personne n’a pensé à cette solution. Dommage. Nous avons manqué d’imagination là.
PS 3 : Valve et pneus.
Valve avec obus démontable. Utile en secours mais à éviter en installation première. Petite frayeur sur ce coup-ci lors du dernier jour. Depuis lors je l’ai changée. Ainsi que le pneu ! Les 2 pneus même.
PS 4 : Quelques stats sur cette BTR2020.
254 inscrits pour un départ au 7 août.
51 n’ont pas pris le départ.
57 ont abandonné.
146 sont arrivés.
Le premier l’a fait en 51 heures et 8 minutes. Il s’appelle Steven Le Hyaric.
PS 5 : La trace GPS.
La trace originelle fournie par ChilKoot n’est pas forcément la mieux. Grands axes routiers parfois. Dénivelé important. Trace non repérée à 100%. Donc nous avons opté notre propre trace, et utilisé Strava avec ViaMichelin ensuite pour vérifier que chaque route est praticable. En discutant sur ce sujet avec d’autres, nous sommes plusieurs à avoir été perturbés par notre propre trace pourtant vérifiée km par km. Un consensus semble néanmoins porter Komoot comme étant l’outil le plus fiable. Il va falloir que je m’y mette.
PS 6 : WhatsApp !
Nous avions créé un WhatsApp pour partager en temps réel la route et communiquer. A refaire. Merci à celles et ceux qui ont été bien présents. C’était top.
PS 7 : Traces GPS.
Faire partir en descente et surtout, faire arriver en descente à la destination !
PS 8 : Le matériel.
J’ai tout pesé au gramme près avant de partir. 4.3 kg dans le sac + 1.6 kg pour les bidons, GPS, batterie, lumières etc. Je peux encore, je dois encore, alléger. Notamment avec des vêtements de « ville » plus techniques, plus légers. Je ne regrette pas le couteau suisse, ni les lingettes pour nettoyer de cette crème solaire, ni les lumières de secours, ni les Serflex/Colliers de serrage en plastique, ni la petite réserve d’huile de chaîne, ni le micro antivol même si j’ai bien failli le perdre etc etc…
PS 9 : La stratégie de course.
Nous avons roulé aux heures les plus chaudes car nous avions pré établi les hôtels pour chaque nuit. Je pense qu’il faut travailler à un autre système avec des hébergements choisis en dernière minute et en évitant de rouler aux heures les plus chaudes (14 heures 17 heures). Certains dormaient dans des hôtels jusque 19 heures et partaient vers 20/21 heures.
Du VCN, nous étions 10. Ou plutôt 11. Il y avait dans le désordre Robin, Jean-Michel, Frédéric, Jean-Baptiste Michel, Sophie, Loné Nicolas et 2 de nos épouses, Brigitte et Isabel, puis aussi Etienne, qui nous rejoint le lendemain. 11 le compte est bon.
Partis depuis Jeudi, ou samedi pour la majorité, c’est à La-Ferté-St-Aubin que nous avons établi notre camp de base, hébergés par notre président. Altitude zéro, confort maximum et localisation parfaite au sud d’Orléans à 30 minutes du départ de ce brevet des randonneurs mondiaux de 200 km alias BRM 200.
Accueillis par nos hôtes pour le déjeuner c’est avec une bière locale blonde d’abbaye – la Pucelle d’Orléans-, que nous avons sagement démarré notre préparation. Puis une fois terminé le déjeuner, 50% de la fine équipe préfère converser de choses et d’autres c’est à dire de vélos et de vélos pendant que le restant travaille la tactique du lendemain autour d’une partie de Flamme Rouge. Jeu de société autour du vélo avec des vélos. Il faut ce qu’il faut, rien n’est illusoire quand on doit préparer un BRM 200. Chacun sa méthode. Flamme Rouge, une jolie découverte. Robin a gagné en se la jouant « au facteur ». Bravo !
Puis pour faire tourner les jambes et quitter la position assise cette belle équipe était conviée à un cluedo original au château de la Ferté. A 1 km de la maison, à pied, bonne petite balade digestive pour nous préparer les neurones. Un cluedo c’est stressant mais vivifiant pour l’esprit et 2 heures plus tard l’énigme résolue (personne n’avait trouvé la même solution…) au bercail rentrer, il fallait.
Dîner de pâtes et de pâtes. Peu d’alcools. Révision cartographique. Derniers paris sur la météo. Mise en place du timing. Au dodo les enfants. Demain levé aux environs de 5 h 00 car le départ là-bas à Fleury-les-Aubrais dimanche matin sera sifflé à 7h30.
175 participants. 49 en gravel dont Jean-Baptiste et 126 sur la route… Luminosité parfaite, temps sec et frais, conditions idéales, ça y est nous sommes en route. La barre des 200 km est vite derrière nous… l’itinéraire prévoyant 205 km. Première barre psychologique franchie sans coup férir.
Le VCN roule ensemble, soudé, groupé pendant 50 km. Le parcours est très bien. Varié même s’il est plat comme un œuf et tranquille comme tout. Nous partons sud-est c’est-à-dire vent légèrement sur le côté et peu gênant. La lumière est belle, à contre-jour et même si le ciel se grise, de beaux rayons de soleil nous accompagnent à travers plaines, rus et bosquets. La Sologne n’est pas loin, nous sommes sur les traces de Raboliot… En file indienne , ou 2 par 2, quelques cyclos se joignent à nous. Il y a peu de monde ; rien à voir avec un Classic Challenge ou une cyclo parisienne, nous sommes vraiment seuls au monde en ce paisible dimanche matin de mars.
La région d’Orléans c’est aussi la Loire. Large, majestueuse et profonde, nous la longeons après une trentaine de kilomètres. Soit sur une route de campagne soit sur ces digues si caractéristiques de la Loire, protégeant champs et maisons des crues de la Loire. Le rythme est bon, le groupe toujours serré et bientôt une bande de Gravel nous rejoint avec Jean-Baptiste. Nous ferons ensemble le reste de la route jusqu’au prochain Check Point de Sully-sur-Loire. Première halte devant le brillant château de Sully et ses douves. Jean-Baptiste et les Gravel, sans doute ayant peur d’arriver après l’horaire max (20h), se reposent 2 secondes et repartent vers leur circuit de pierres, de terres, d’eaux, et de sentiers forestiers. Atmosphère Gravel…
Passé Sully c’est une autre paire de manches qui s’annonce. Cap sud-ouest c’est-à-dire juste pour prendre de plein front le vent. Les rafales de 50 km/h sont là et notre petit groupe se coupe en deux. Chacun va au gré de ses envies, Sophie, Michel et Étienne d’une part, Frédéric, Jean-Michel Robin Loné et moi-même d’autre part. Le paysage change, l’itinéraire traverse de belles forêts de chênes et navigue autour de tranquilles lacs. Quelques hérons isolés nous ignorent. Et pour parer au vent nous nous mettons à rouler en relais pendant de longs kilomètres. Sans trop forcer le rythme, efficacement, mais histoire de bien tourner ; et la Ferté-St-Aubin arrive. Check Point 3 directement. Car le CP 2, lieu-dit du chêne à la Caillat, on l’a traversé sans se retourner. La forme était là, manger des kilomètres était notre point de vue du moment, pas d’arrêt, tant pis on continue… Vitesse moyenne jusqu’alors 27,2 km/h, c’est pas encore 30 mais cela permet de faire rapidement des kilomètres, et avec plaisir. Il faut dire que côté dénivelé c’est superbe, peu de longues descentes grisantes certes, mais pas non plus de côtes raides et destructrices. On aime !
La Ferté-St-Aubin, donc. CP3 de luxe. Chez nos hôtes. Km 95. Pâtes, taboulé, jambons, bananes, que du bonheur. Pause de 20, 25 minutes, le temps passe vite dans ces instants-là et au sortir de la maison arrive le reste du VCN, Michel Sophie Etienne. Robin en profite pour dire qu’il va changer de peloton pour l’après-midi, et reste se reposer un peu plus. Nous repartons à 4. Le soleil nous a dit au revoir. Le ciel est nuageux. Bruine. Nous revêtons nos tenues de pluie. Qu’on enlèvera, puis remettra, puis enlèvera et remettra définitivement au km 119, c’est-à-dire au CP4 tristounet mais sympathique château de Villebourgeon isolé près d’un lac tout tranquille. Selfie souvenir, faisant preuve de passage in case of…et au boulot !
Au boulot d’autant plus que l’on roule maintenant plein ouest, puis nord-ouest et enfin sud-ouest vers Chambord. Quelques moments compliqués car le vent se renforce et le temps change. Puis petit à petit les tourelles et cheminées de Chambord se dévoilent sur notre flanc droit. Fines, longilignes et cachées pendant quelque temps puis toutes entières, grandioses lorsqu’on se gare à leurs pieds. Chambord, nous y sommes. CP5 . Km 149. Photos souvenirs. Gels et barres énergétiques. Pensées émues pour le grand Léonard et François son ami. Un peu d’architecture. Chambord plaît ou ne plaît pas mais Chambord… et la pluie commence légèrement ; c’est le moment de repartir nord-est c’est-à-dire avec ce qu’on attend depuis le début, le vent dans le dos. Nous quittons le vaste parc de Chambord en laissant sur notre droite cette cabane de chasse que connaissent bien les amateurs du feu Versailles-Chambord.
Puis nous regagnons les bords de Loire. A partir de là il n’y a plus de CP. Mais il y a la pluie qui par moments nous fera avaler la boue projetée par celui qu’on suit et nous fera manger de la terre accumulée sur l’embout de nos bidons, bref un moment Gravel Like ?
Mais le plaisir est toujours entier. La Loire superbe depuis ces berges. Et nous commençons à rouler de nouveau avec certains groupes de cyclos qui sans doute à cause des kilomètres accumulés perdent un peu de cadence. Et finalement sans prévenir, nous pénétrons dans Orléans. Et c’est là que Jean-Baptiste nous rejoint. Hasard de ces parcours qui font que de grands esprits se croisent et se décroisent dirons-nous.
Il est 16h45. Nous sommes arrivés.
L’organisation est parfaite. Collation. Douches pour les destriers et les chevaliers. Médaille du bonheur.
Un BRM 200 in the pocket.
A refaire sans aucune hésitation ! En Gravel peut-être ?
Rapide résumé de cette Randonnée du Souvenir de ce lundi 11.
Départ 6h00 de Neuilly.
Retrouvailles avec Sophie, le groupe Singer et Michel, puis Hervé, à la place Pleyel où Hervé y arrive piano piano (sic!).
Temps sec et frais, il fait noir mais grâce aux feux (tous verts avec Singer) on sort de Paris pour s’arrêter rapidement au bout de 35 minutes pour notre 1ère crevaison. Il y en aura 5 au total mais Olivier répare ça en 5 minutes chrono. Record à battre! Est-ce dû à leur marque de pneus ‘Grand Bois’? Sans doute car avec nos Continental plus rigides le test est à faire! Mais pas aujourd’hui…
Puis ça défile, ça roule, ça fonce. On longe l’autoroute A1, on croise des avions qui décollent, des voitures qui vont vers Paris, bref, chacun son rythme. Le peloton s’étiole quelque peu.
Heureusement 1ère pause 35 km plus loin à Vémars où tout le monde se regroupe car quelques autres Singer nous y attendent. Regonflage d’un pneu et en route. Il fait maintenant jour. Pleine campagne. Personne ne vient déranger notre rythme de croisière sauf quelques crevaisons par ci par là jusqu’à la 5ème au temple romain qu’on n’aura pas le temps de visiter hélas car la cérémonie est à 11h00. Fonce Alphonse!
Foncer oui! Mais ne pas perdre nos habitudes avec les 30 minutes de café réglementaire au bar restaurant Le Goujon de Verberie. 70 km. Il en reste une petite trentaine, ça va le faire.
La pluie se joint à nous désormais. Pluie fine peu gênante et qui nous accompagnera dans la forêt de Compiègne, et durant la cérémonie où nous rejoint Christophe qui habite dans la région. Après un court discours et une Marseillaise bien chantée c’est le moment de se séparer. Les Singer rentrent à vélo via déjeuner au Goujon; pour nous Train direct 12h30.
Très belle sortie. A faire au moins une fois. Cela permet de redécouvrir ce moment d’histoire. De partager un circuit avec nos amis de Singer, de connaitre Olivier, fort caractère du magasin Singer de Levallois.
Albertville – Val Thorens, 135 km, 4500 m de dénivelé.
Le vélo c’est beau.
Surtout dans les campagnes. Tu flânes à travers des paysages toujours différents grâce aux saisons. Tu avales des kilomètres en glissant le long de rivières, parmi des forêts tranquilles vertes et ombragées, rafraîchissantes et apaisantes. Tu profites de la nature, et de sa tranquillité “au vert”. Tu avances à ta propre vitesse. A celle que tu as décidée. Certes, vitesse réduite dès que cela monte, et accélérée, sans douleur, dès le moindre pourcentage négatif, mais à ta propre allure. C’est toi qui décide. Personne d’autre. Plaisir total. Oui le vélo ça doit être et doit rester un plaisir total.
Alors pourquoi aller faire le zouave sur l’étape du Tour ? La même que celle des pros qui vont l’emprunter samedi 27 juillet, avant-dernier jour du tour 2019.
Résumé de ce dimanche 21 juillet 2019 pour essayer d’y répondre…
Dimanche 4 h 15 : le réveil sonne. Argh, où suis-je ? Normal, on loge aux Saisies à 30 km d’Albertville (car 16.000 participants donc très peu de logements disponibles pour 4 personnes lors de notre inscription en octobre dernier) et les routes seront coupées à la circulation à partir de 6h30. Il faudra donc être prêt et sur place avant 6h30. Comptez 30 minutes pour quitter le nid tout frais + 30 minutes de petit déjeuner bien complet + 40 minutes de voiture + 15 minutes pour décharger les vélos et se mettre en condition = on sera juste bien on time dans nos sas de départ. Note : après s’être réveillé la veille à 5 h 30 pour faire Paris – Les Alpes un samedi de juillet, ce second réveil encore plus tôt, fait mal…
6 h 05 : Voiture garée le long de la route. Nous sommes partis à 5 h 30 des Saisies. Garée à côté de nous, une voiture de 4 bretons venus pour la même raison partagent ce moment de révision ultime. Partage d’impression. Le WD40 c’est efficace ? oui non… Nous sommes à 3 km d’Albertville. Un gendarme arrive et se positionne pour couper la route à 6 h 30. On sort les vélos. On monte les roues, les selles, le bonhomme, on vérifie que le dossard est bien dans le dos, la plaque nominative sur le vélo, le profil de l’étape scotché sur la barre du vélo (très très utile pour doser son effort), photo souvenir et hop on quitte Isabel qui va remonter aux Saisies pour dormir. Nous arrivons à Albertville 5 minutes plus tard. La ville est déjà réveillée. Des cyclistes de partout. Des spectateurs. La télé interview quelques participants. Des barrières pour privatiser tout le circuit. Et 15 Sas, 15 enclos, nous attendent pour nous parquer. 1 sas = 1000 personnes… Nous sommes dans le sas 10. Fermeture du sas 8 h 00. Départ 8 h 15. Tout est très précis. Il est maintenant 6 h 45, on a le temps de découvrir notre sas. De nous faire contrôler le dossard, de rentrer et de s’asseoir par terre. Il fait déjà très bon. On patiente. On entend parler anglais, espagnol, italien, allemand, hollandais. Tout est très calme. On s’endormirait presque… logique, cela fait déjà 2 heures qu’on est réveillé…
7 h 45 : Le sas s’ouvre. Chacun s’ébouriffe. On se lève, redresse le vélo. Chacun progresse d’abord à pied, puis un pied sur une pédale, puis les deux attachés vers la ligne de départ. On entend les clics de chaque pédale automatique. Puis on s’arrête à nouveau. Et on repart pour s’arrêter finalement devant la ligne de départ officielle. Musique rock à fond. La flamme olympique des Jeux d’Albertville est même allumée pour l’occasion… les petits plats dans les grands. Tout y est ! On se sent en forme et près à gravir des montagnes ! VO2 au max du max !
8 h 14 : Ligne de départ. On a même un discours à l’américaine, très “we are the champions”, d’abord en français puis en anglais pour nous rappeler qu’on va vivre une épreuve de fous mais qu’au bout de la douleur et patati patata… 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1 et 8 h 15 c’est parti ! Sous une musique de fous, des applaudissements dignes d’un 4 juillet à New-York et des fanions jaune et noirs en pagaille. C’est la fête du vélo…
8 h 15 : km 0. Go ! 3 km de plat pour sortir d’Albertville puis c’est la première ascension, direction le Cormet de Roselend c’est à dire à 40 km de là. 40 km d’ascension à des pentes plus ou moins variables. La route est large et lisse. De plus elle est interdite à la circulation donc on peut rouler tous de front – et un paquet de 1.000 coureurs en même temps ça fait du monde – sans aucun problème. Température agréable. Pente moyenne faible. Facile et 21 km plus loin le 1er ravitaillement est déjà là. On a presque envie de le sauter, mais boire et s’alimenter, c’est primordial pour compenser les 8.000 ? 10.000 ? 12.000 ? calories qu’on va perdre. Donc pause. 5 minutes. Il est 9 h 10. Une petite photo de mon GPS pour mes stats. En avance sur mon planning (9 h 15), trop facile le vélo. Je repars 10 minutes plus tard après un ravitaillement et remplissage de bidon. Il fait 26 degrés déjà, attention à l’alimentation… ne pas oublier !
9 h 20 : km 21. Beaufort et départ vers le Cormet de Roselend. Le pays du Beaufort ? oui oui du fromage si connu c’est bien par ici. J’en connais qui seraient ravis de faire une pause plus longue pour déguster mais on n’a pas trop la tête à ça. Promis on reviendra demain en acheter mais là pas de gras, surtout pas ! Prochaine étape ce fameux Cormet de Roselend. Je ne connais pas du tout ce col. C’est que ça doit pas être si difficile. Et surtout c’est superbe. Une file incessante de vélos circule de front sur la route des alpages. Le lac de Roselend est couleur turquoise. L’endroit invite au repos, au pique-nique et au farniente. Hélas nous sommes là pour autre chose, “ValTo” nous attend. Pousse sur tes jambes petit bonhomme, pousse!
11 h 10 : km 42. Cormet de Roselend. Ouf il est là. Le Cormet de Roselend. Photo souvenir typique du sommet. 1968 m ça commence à faire… mais l’avantage c’est que la température n’a pas monté, on est resté à 26 degrés. 42 km effectués. 1650 m de dénivelé. 1/3 déjà accompli. Il fait beau, la montagne est superbe, je suis plutôt bien. Je ne suis jamais entré dans ma zone 5, zone anaérobique, depuis le départ. Et très peu en zone 4, au seuil. J’ai donc plein de réserves. Le vélo bis repetita c’est beau !
Le col dépassé, la descente vers Bourg-St-Maurice est superbe. Sur 20 km. Avec la route privatisée on peut prévoir de larges entrées de virages. Certains savent descendre et cela se voit. Je me fais doubler par une fille qui est aplatie sur son vélo. Superbe à voir ; elle arrive derrière et me souffle littéralement. J’arriverai quand même en bas avec elle, aidé par mon poids qui dès que la pente s’adoucie me fait gagner du terrain tout seul. 20 km de réel plaisir et merci aux freins à disque dans les épingles. Efficaces !
km 61. Bourg St Maurice. Ravito. Le ravitaillement est bien situé ; large place. Et on a droit à du pain complet, du fromage, du jambon de pays en plus des traditionnels gels, gâteaux et fruits secs. Et vue l’heure, l’appétit est là. Tout semble bon. Je prends une bonne pause pour repartir rassasié et en forme. Une dizaine de kms à faire en fond de vallée. Avec un petit groupe on avance sans forcer. Nous glissons sur de belles routes et gagnons au km 75 le bas de la Côte de Longefoy. 6 km d’ascension en fôret. Pente moyenne 6,8 %. Ca pique parfois pas mal avec de nombreuses portions à 8 et 9 %. On puise dans les réserves. Surtout que la température monte monte… Les premiers coureurs pied à terre font leur apparition…
km 81. Sommet de la côte de Longefoy. 1.200 m. De nombreux spectateurs présents pour cette journée ou déjà là en prévision de l’étape des pros, la vraie du 27 juillet nous applaudissent et nous encouragent. C’est bienvenu et je reçois quelques encouragements en espagnol. Je comprendrai pourquoi à la fin seulement car mon dossard est imprimé avec un drapeau ibérique. No se porque… Mais ces “Vamos Nicolas, vamos” ou autre “courage, vous allez y arrivez”, “bravo allez” font du bien. De même que certains habitants qui ont sorti un tuyau d’arrosage pour nous asperger au passage. Cela donne un coup de fouet saisissant mais bienvenu. Tout comme les gouttes d’eau fraîche qui traversent ensuite le casque sur quelques minutes encore. Un peu de douceur…
14 h 01 : km 101. Moutiers. Je suis enfin à Moutiers. Il y a un monde fou au ravitaillement qui est mal placé, mal aéré et sans ombre. De nombreux coureurs sont assis par terre; tous rouges. Il fait très chaud ici au fond de la vallée. Je bois une bouteille entière de Badoit et un verre de Coca. Pas plus de Coca car l’an passé lors de la Marmotte le Coca m’avait tué dans l’Alpe d’Huez. Depuis ce temps-là j’appréhende ce soda en route.
Coté météo ça se corse. 36 degrés à midi au soleil. Aie. La montée va être dure mais ô joie, il ne me reste plus que 34 kms à faire. Cela fait 6 heures que je roule. D’ici mettons 3 heures je devrais avoir fini. Cela ferait mettons 17h30. C’est top, largement devant la voiture balai et la disqualification qu’on craint tous. J’en profite pour appeler Isabel et lui dire que c’est dur mais tout va bien, rendez-vous à tout à l’heure vers 18 h à Val Thorens…
Mais le départ de Moutiers est trop raide. On sort de la route principale pour bifurquer sur la droite et on entame tout de suite du dur à 8 %. Glups. Je me rassure en me rappelant que l’Alpe d’Huez commençait par un raidillon de 500 m à 11 % mais quand même. Je peine. De plus en plus. L’effort et la chaleur me font transpirer énormément ; mes bras deviennent blancs de sueur perlée sur les bras. Étonnant moment. Sensation bizarre. Je décide de m’arrêter. Je dépose ma tête sur mon guidon pour souffler. Et j’entends mon nom hélé par une voix que je reconnais tout de suite. Serge des Pyrénées est là. Frais comme un gardon. Puis Katia arrive. Fatiguée mais semble plutôt en forme. Ils me proposent de repartir avec eux. Impossible car je n’ai plus de rythme et quelques minutes plus tard il sont déjà loin devant, je ne les vois même pas s’éloigner.
Sur le chemin chaque kilomètre est précédé d’un panneau aux couleurs jaune et noire du Tour de France indiquant la pente moyenne à venir. Très classique en montagne et bien connu des cyclistes des Alpes, Pyrénées, etc. En plus ici c’est étalonné spécifiquement pour cette étape. Top ! Dans ma tête j’avais retenu que c’était en moyenne 35 km à 5 ou 6 %. Pour mon mental je m’étais dis que cela signifie 5 à 6 % de pente minimale. Ca aide à passer le cap. Mais en fait dès le départ ils annoncent 8 % de pente. Et 3 fois de suite, 8 %. Big coup au moral. j’ai beau avaler un “block cube” énergétique par heure ça se complique. Et cette chaleur qui monte monte jusque 40 degrés est épuisante malgré la route serpentant la montagne souvent ombragée.
Je continue et je ne sais pas comment, avec un cerveau vidé, le regard fixé sur mon GPS et les mètres qui n’avancent pas, j’arrive explosé, à St-Martin.
Quelle heure ? km 117 : St-Martin-de-Belleville. 2 jours plus tard je n’en ai plus aucun souvenirs. Ca ressemblait à quoi St-Martin? Aucune idée. Et le ravitaillement, il était comment ? J’essaie de me souvenir et il faut me forcer car oui ça me revient je me revoie sur un parking, une place goudronnée, assis par terre adossé à une poubelle de ville pour essayer d’avoir un peu d’ombre sur 50 cm d’espace “ombragé”. Oui c’est bien ça. Au pied de la poubelle avec une bouteille de Badoit que je n’arrive pas à boire tellement je suis à sec. Puis d’un seul coup j’entends annoncer que la voiture balai c’est dans 15 minutes. Je me dit tant mieux no choice pas de ma faute j’abandonne. Je n’ai plus de forces du tout. Et il me reste 17 km… À 6 km/h je vais encore mettre 2 h 30 ?! tout ça pour me faire débarquer par la voiture balai ? Mais je me dis que je dois y arriver, faut pas déconner m… ! J’essaie de me motiver en me disant que maintenant c’est uniquement dans la tête. Mon cœur est calme donc pas d’alerte. Je n’ai plus de jambes hé bien tant pis je roulerai en 34 / 32 s’il le faut. Et je me relève, je décroche mon vélo, je titube avant de monter dessus, j’entends d’autres coureurs dire que c’est foutu avec cette voiture balai et là, ça me motive encore plus. Et je repars. Dans le dur direct. Et ouf la température n’est plus que de 36 degrés. Ca commence à baisser, je me dis que ça ne peut aller que de mieux en mieux. J’aurai peut-être même froid en arrivant là-haut (Val Thorens est à 2400 m). Avant de repartir j’y pense mais je n’ai même plus la force de prendre la photo de mon Garmin. Mes stats c’est foutu. Faudrait que je prenne la photo. Pas la force.
Quelle heure ? km 123. Arrivée aux Menuires. Je n’avance plus. Compteur bloqué sur 6 km/h. Je ne double que des coureurs à pied, en chaussettes, vélo à la main ou qui sont arrêtés sur le bas-côté de la route, assis ou couchés. Hormis ceux-là, tout le monde me double. Mais qu’est ce que j’ai? Je n’ai pas mal aux jambes, pas de crampes, le cœur tourne régulier mais je n’arrive pas à appuyer sur les pédales. La bouche est sèche et l’eau que je bois régulièrement ne change rien. Je me force à manger. En vain. C’est désespérant. En traversant les Menuires je me dis que s’il y a un bar quelque part je m’arrêterai. Ca aidera peut-être à récupérer un je-ne-sais-quoi. Ca y est. Un petit bar sur le parcours. Petite terrasse. On s’y sentirait presque bien. Je pose le vélo ; un autre cycliste est là aussi, il raconte qu’il a fini et qu’il est redescendu pour se changer ici aux Ménuires. Sa femme est là aussi. C’est cool. Étape finie, réussie et moi il me reste encore combien de kms ??? Coup au moral ! Bon, pas grave, 2,50 euros pour un Orangina que je déguste, que je sirote avec un plaisir sincère. Jamais j’aurais crû qu’un Orangina pouvait être si bon… Mais le temps passe vite. Je me suis arrêté quoi ? 10 minutes ? 15 ? Je perds du temps là. Allez en selle Marcel ! Pour 12 longs kms encore.
km 135 : ValTo. La délivrance. Le panneau 3 km est devant mes yeux. Sortie de nulle part la plaque Val Thorens je la vois enfin. Il ne me reste plus rien à faire. Cela me redonne quelques forces mais il faut traverser tout Val Thorens, sortir sur les pistes de ski et les 500 derniers mètres sont horribles. 10 % 11 % debout sur les pédales, assis, en danseuse, assis, en danseuse j’avance. Les spectateurs nous encouragent. La musique de l’arrivée est là. Le speaker annonce que voilà d’autres finishers sur la ligne. J’ai du mal à sourire mais j’y suis enfin. Tapis jaune pour les derniers 100 m. Le chrono affiche un truc affreux 11 h 11, 11 heures 11 minutes…
Quel idiot disait que le vélo c’est beau ?
Mais j’ai réussi. Ce ne fut pas du tout un plaisir sur ces 35 derniers km. Je n’ai plus envie de recommencer. Ecœuré je pars prendre une bière. Ca me remet en selle. J’appelle Isabel et Jean-Jacques. Et je remonte le vélo pour aller les rejoindre 5 km plus bas. C’est fini. Bravo aux pros qui feront cela en 5 heures ? Le 1er ce jour-là a fini en 4 h 44. Chapeau bas !
Nicolas
Analyse technique de ma course : Un truc effarant et qui m’a sauté aux yeux : Je fais 100 km , 3000 m d’ascension, en 6 heures. Vitesse moyenne = 19.1 km/h. Pas trop de problèmes. Easy. Puis les derniers 35 km, 1500 m en 5 heures. Vitesse moyenne = 7 km/h. Effarant !
Autre chose pas normale: une fois arrivé je n’avais pas faim du tout. Juste envie d’une bière – ce que j’ai fait – puis 30 minutes plus tard je redescendais vers le bas de Val Thorens pour rejoindre Isabel et Jean-Jacques en ayant plutôt bien récupéré. La nuit pas de crampes. Le lendemain aucune douleur dans les jambes. Ma conclusion : 1) alimentation mal ciblée, manque de protéines pour maintenir les muscles à niveau et 2) pauses trop courtes donc je n’ai jamais récupéré, je n’ai fait que de m’épuiser, m’épuiser tout au long de la cyclo.
Autres pistes : Le timing. Levé la veille à 5h30 pour faire 8 heures de voiture. Pas de vélo pour faire tourner les jambes la veille et levé encore pus tôt le jour J à 4h30. Pas optimal du tout. La météo. Chaleur. Mais a priori j’y suis peu sensible et je préfère cela à du vent et de la pluie froide.
Conclusion : alimentation + récupération à travailler + timing des jours précédents. Faut que je travaille cela désormais car dans ces conditions le vélo c’est pas cool du tout.
Pour ma première fois, plus la
date D approchait, plus j’en appréhendais son déroulement. Est-ce que ça allait
faire mal? Est ce que ce serait quand même du plaisir quelque part? Serait-ce
un succès ou un échec? Car oui même si j’avais hâte de rentrer dans le vif du
sujet je l’appréhendais depuis plusieurs mois cette première rencontre. Et
c’est ce que me confirmera Christian mon coach en la matière lors du débriefing
post course autour d’une excellente bière artisanale creusoise, appréhender
stresser être tendu c’est tout à fait normal pour une première fois.
Donc j’étais inscrit sur une
course FFC 2ème et 3ème catégorie dans le Limousin à Bord St Georges. 2ème ou
3ème catégorie, ne me demandez pas ce que cela signifie. Pour moi cela veut
dire qu’on n’est pas dans les costauds de la Division 1. Plutôt rassurant. J’étais
d’ailleurs allé faire le circuit en repérage à Noël avec Christian et
Yves. 2 collègues qui roulent bien. L’un
Christian président du club, forgé par la compétition depuis qu’il est petit,
mon « coach », et l’autre, cyclo grimpeur très aéro -il me rappelle toujours
mon idole de mes années d’école primaire, un certain Lucien Van Impe que
j’adorais voir en montagne dans le Tour de France chaque été – malgré son âge
de jeune retraité. Une boucle jamais plate de 5 kms environ en pleine campagne.
Pas compliquée à voir comme ça et avec quelques lignes droites où l’on peut
foncer foncer et même faire tout le circuit sur le grand plateau… seule
l’arrivée après une raide courbe sur la gauche, en montée, était plutôt
technique. Là il faudra savoir descendre d’une dent, appuyer fort, pour ne pas
se faire distancer par les fauves qui vont à coup sûr y lâcher des watts.
Circuit en tête je suis confiant,
pas la peine de le refaire la veille du D Day quand je reviendrai par ici. À
Pâques.
Samedi soir, 3 mois plus tard,
avant-veille de Pâques.
Je suis au distributeur de pizzas
du village. Il est 19h et en attendant que la machine me délivre les deux 4
fromages commandées j’appelle Christian pour confirmer l’heure et demander
quelques conseils. Discussion :
Départ à 15h00 donc sois là-bas à
14 heures pour prendre ton dossard faire quelques tours et te chauffer. Y a
t’il quelques exercices spécifiques à faire ? Oui quand tu seras un peu chaud
pousse à fond sur 50 m et fais le circuit plusieurs fois. Il faudra que tu sois
bien chaud au départ. Est-ce que ça va partir vite ? Car mes collègues de
Neuilly m’ont prévenu que ça partait très très vite. Rires à l’autre bout du
smartphone. Oui tu vas voir certains ne sont pas là pour rigoler, oublie ça, et
si tu peux, essaie de rester dans les vingt premiers et ça ira. Surtout ne te
fais pas distancer. Au fait tu as roulé ces temps-ci ? Oui justement j’ai fait
un 200 kms il y a 3 jours. Quoi ? Un 200 avant une course ? Je rougis au bout
de la ligne… et combien de kms de voiture pour venir ici ensuite ? Heu 500
kms hier mais on est 2 pour conduire donc pas fatigué. Hum hum pas l’idéal ça
pour ta préparation ; bon voilà ce que tu vas faire demain. Roule 10 kms pas
plus. Sans forcer. Juste pour faire un petit travail de réveil musculaire. Et
rentre. Ok ? Message reçu. On se voit lundi et prend bien deux bidons. Ok
coach. Merci.
Dimanche matin. La veille.
Mon Strava affiche un circuit de
10 kms. C’est mon réveil musculaire comme demandé. Certains amis du Vcn me
feront remarquer que 10 kms y’a un truc, c’est pas normal. T’es blessé ?
Lundi. Ma première fois donc.
12h45 je mets le vélo dans la
voiture. J’ai vérifié le tout ce matin. Je l’ai allégé au maximum. Pas
d’outillage. Pas de sacoche de selle. Pas de lumières. Pas de pompe. Juste mon
Garmin préféré et 2 bidons. D’eau.
13h45 je suis garé en bas du
village. Petite place. Quelques concurrents sont là. Chacun monte son vélo.
Seul comme moi ma logistique préférée n’ayant pu venir pour une fois, ou avec
leur famille. Chacun son team, son staff, son organisation. Pas un bruit c’est
étrange ça me stress encore plus et je ne sais même pas où il faut aller pour
le départ et le dossard. Je monte le vélo et m’habille à moitié emportant avec
moi de l’argent et mon téléphone.
Pardon où est le bureau pour les
inscriptions ? Une tablée d’amis à leur terrasse dans le village
confortablement installés autour de bouteilles et d’une fin de repas m’envoie
gentiment là-haut à 300 mètres. Ils sont prêts pour assister à la course. Un
peu plus de stress pour moi…
Bureau des inscriptions. Je suis
dans la file d’attente. Ils ont tous l’air de se connaître. Tous très jeunes et
quelques moins jeunes comme moi. Ca discute résultats récents, classements,
kilomètres parcourus, ambitions, oui encore un peu plus de stress donc…
bonjour Monsieur. Honoré, Honoré Nicolas du CCME. Ok dossard 17. Vous avez
votre licence ? Heu non. Comment non ? Bah j’ai un numéro mais pas de licence
sur moi. Ni chez moi d’ailleurs. C’est ma première fois en fait. On peut pas
vous inscrire alors. Hein ? Ha bah non regardez ici – je montre ma licence FFC
sur internet-. Ça discute ça discute puis quelqu’un qui connaît Christian me
dit allez c’est bon. Mais vous savez ici on vous prend mais ailleurs non. Il
faut avoir votre licence Monsieur. Gloups. En fait je ne l’ai jamais reçue, il
faudra que je regarde cela après coup. Et c’est vrai qu’autour de moi ils ont
tous leur petite licence bleue et blanche sur eux… et encore du stress qui
s’accumule malgré tout.
Un gros ouf en sortant du bureau
quand même !
Et c’est pas tout car je dois
aller me chauffer. J’en vois déjà plein. On est 55 à courir. Au fait le dossard
comment on l’accroche ? Autour de moi ils ont tous des épingles à nourrice. Et
moi j’ai rien bien sûr. Bon je vais devoir aller en chercher. Je rencontre le
maire du village qui m’assure qu’il va en trouver. 2 minutes plus tard il
ressort. Rien trouvé mon ami. Zut. Je vais alors à la rencontre d’une voiture
qui entoure deux coureurs. Un des jeunes m’en donne 8 . 8? 2 ça suffit pas ?
Fais comme tu veux. J’en prend donc 2 et je pars faire mon échauffement. Il est
14h15. Ça fait du bien de rouler. Je fais quelques accélérations. Je vois des
sprints très poussés autour de moi. Sérieux tout ça. Bravo.
À un moment je repasse par la
ligne d’arrivée et vois Christian qui est venu avec quelques personnes du club
pour regarder la course. Christian m’inspecte me demande ce que j’ai fait.
Parfait parfait sauf ce dossard. Tu passeras jamais au contrôle. Il faut que tu
aies 4 épingles. Je repars voir le coureur qui m’en avait donné. Heu oui 2
autre stp. Pas de problèmes. Puis Christian m’accroche le dossard dans le dos.
Derniers conseils. Reste dans le paquet. Essaie d’être devant avec les 20
premiers. Nous sommes 4 du club à courir. Il me présente les 3 autres. Moyenne
d’âge 23 ans… stress quand tu me tiens… Christian leur explique que c’est
ma première course et demandent à ce qu’ils me donnent quelques conseils plus
tard. C’est ce qui se passera effectivement. Merci.
14h52 allez allez sur la ligne.
Faufile- toi le plus près de la ligne. Deux personnes passent dans le peloton
pour inspecter nos équipements nos dossards et je ne sais quoi. Ouf j’ai bien
mon dossard à 4 épingles… un speaker annonce la course et donne le nom de
chaque concurrent. J’entends mon nom. Ça fait bizarre. Enfin j’y suis. C’est
agréable.
15h.
On est parti. Sur 50 mètres ça
part tranquillement mais je me fais doubler en permanence. J’accélère de plus
en plus mais je suis sur le petit plateau et je décroche au bout de 300 mètres.
Je me retrouve dans les derniers alors qu’il y 10 secondes j’étais dans les
premiers. C’est quoi ce truc. Un coureur derrière moi a l’air de s’en
apercevoir et me pousse dans le dos pour me relancer et me dit de changer de
plateau. Puis il passe devant et file. Je repars mais je suis le dernier du
peloton. Incroyable. J’ai rien vu venir. Je suis le dernier et on a fait même
pas 500 mètres. C’est quoi ce truc -oui je me répète mais j’étais éberlué sur
mon vélo-. Étrange feeling que ce départ. Ça m’amuse mais ça ne devrait pas.
Je suis donc maintenant tout seul
à essayer de recoller au peloton. À la moitié du 1er tour je suis déjà à plus
de 180 pulsations… et en plus à cause de ces routes si rugueuses de la
creuse, lors d’une bosse un de mes bidons saute et me voilà avec un seul bidon
alors que j’ai encore toute la course à faire… argh… pas le courage de
m’arrêter pour le récupérer sinon je perds encore plus de temps. En fait
j’économiserai mon eau tout au long de la course, la bouche sèche comme du
papier calque, et encore une erreur de stratégie. Christian me dira à la fin
que j’aurais dû le lui dire et qu’il m’aurait fourni en eau lors d’un
passage… le métier… le métier…
Je passe la ligne en fin de
premier tour quelques instants plus tard … en dernier. J’ai honte de passer
devant mon coach déjà distancé dès le début. Mais je suis à fond quand même. Il
y a devant moi 2 coureurs à 150 mètres et je me mets en chasse. Je vais être
ainsi pendant 3 tours sans jamais les rattraper. À fond quasiment. Christian me
dira à l’arrivée que j’aurais dû taper dedans encore plus fort, me mettre sur
le grand plateau plus souvent et me mettre minable, mort, bavant, dans le
rouge, mais j’aurais dû les rattraper. Erreur de débutant… Autre erreur :
quand j’étais distancé et que les premiers m’avaient mis déjà un tour dans la
vue, j’aurais dû ralentir, attendre un groupe de poursuivants et me mettre à la
traîne derrière eux – sans prendre de relais car je n’ai pas le droit- mais au
moins arrêter l’hémorragie.
Car au final j’aurai roulé 99 %
du temps en solo alors que tous les autres étaient en petits paquets. Antoine
du club qui finira 20ème me dira à un moment viens, essaie de te mettre dans
nos roues, mais je réussirai à le faire sur 500 m seulement. Incroyable le
rythme qu’ils avaient tous. Pourtant je roulais à 34 de moyenne ce qui est déjà
énorme pour moi.
À chaque tour je souffrais de
plus en plus. Mais je restais à fond de ce que je pouvais.
À chaque passage intermédiaire de
la ligne d’arrivée j’étais seul, précédé d’un sifflement d’annoncement d’un
signaleur et j’étais heureux de filer sur la ligne sous des applaudissements
plus d’encouragements que de félicitations, mais heureux. J’entendais parfois
Christian m’encourager. C’était top.
Par deux fois les 5 puis 4
coureurs de tête me doubleront. Ils roulaient très serrés. À 4 sur 2 mètres
carrés si je puis dire. Bien organisés, plutôt beaux à voir. Ça me donnait
envie de repartir mais bon…
Puis lors de l’avant dernier tour
j’aperçois devant moi un coureur qui semble se rapprocher. What ? Je vais me le faire lui… je le rattrape
et lui dis que je trouve cela très dur très rapide comme rythme. Il me dit oui
ça va beaucoup trop vite j’abandonne. Ha bon ? Pas moi en tout cas mais je ne
dis rien et petit à petit je le lâche. Il est en fait cuit de chez cuit et il
sera le seul que je dépasserai de toute ma course… Maigre victoire mais je ne
finirai pas dernier. Et c’est sourires aux lèvres que j’arrive. Enfin fini. On
arrête les chronos, on sauvegarde immédiatement, on analysera dans un instant
tout ça car pour le moment je suis mort mais c’était une superbe expérience.
Dès que j’arrive Christian vient
me voir pour me demander mon avis. Je rigole en m’appuyant sur lui pour
récupérer. Incroyablement rapide. Jamais vu ça. Il éclate de rires et me dit ha
tu as voulu voir hé bien voilà. Et tu verras la prochaine fois ça ira beaucoup
mieux. Il a l’air content de moi malgré tout d’autant plus que sur les 4 du
club un des trois autres a abandonné mais pas moi et il m’a dit qu’il avait
bien vu qu’à mon air, à mon style je n’abandonnerai jamais. Cela lui a bien plu
et oui en dehors d’un pépin technique ou d’une chute, pour moi il était hors de
question d’abandonner.
Pour les résultats officiels ce
n’est pas brillant du tout… je finirai 49ème sur 55 et tous les autres
derrière moi auront abandonné. Ma moyenne sera descendue à 31.4 km/h. Je suis
un peu déçu, je visais plutôt 33. Puis en discutant avec le club à la fin ils
m’apprendront que ceux qui ont fini dans les premiers courent aussi en première
catégorie. Que cette course pour une première fois n’est vraiment pas la plus
facile. Et que pour eux finir dans les 20 premiers étaient un objectif qu’ils
n’ont même pas réussi à atteindre car le niveau était plutôt relevé. Vrai ?
Faux ? En tout cas pour une première fois c’était une belle première fois. Du
plaisir dans la souffrance ? Un peu de cela oui quelque part…
Une heure plus tard le dernier
débriefing autour d’une bière aura lieu. Quelques derniers conseils de
Christian pour tester ma forme avant une sortie en vélo. Un rapide examen du
calendrier pour fixer la prochaine. Des notions d’entraînements plus ou moins
prioritaires. Je me serai cru dans un film. C’était top. Pas le même plaisir
qu’une sortie cyclo, pas la même difficulté qu’une cyclo sportive, mais un réel
et sincère beau moment de vie. De vélo…